Journal
Monsieur Choufleuri d’Offenbach au festival Opéra des Landes (Soustons) – Un Choufleuri-Chauve-souris – Compte-rendu
L’œuvre est courte, et pour donner à la représentation une durée un peu supérieure, la soirée musicale du bourgeois parisien est ici agrémentée d’une série d’interventions supplémentaires. Entre l’arrivée des invités et le grand moment de parodie d’opéra italien imaginé par Offenbach, on entend ainsi chanter Choufleuri lui-même, Ernestine et Babylas, mais aussi Monsieur et Madame Balandard, et même le domestique Peterman, dans un répertoire allant de Donizetti à Poulenc en passant par Strauss et Offenbach lui-même. Tout comme un écran vidéo avait utilement éclairé le public sur l’identité de la Sontag et de messieurs Rubini et Tamburini, le titre des différents morceaux extrapolés est dûment précisé pour que chacun s’y retrouve, et les artistes y gagnent une occasion supplémentaire de briller. Le tout contribuant à l’atmosphère de joyeux délire créée par un spectacle qui se situe à la fois de nos jours, à en juger par la tenue des jeunes amoureux et par certaines allusions contemporaines, et dans un XIXe siècle fantasmé, si l’on regarde les costumes très colorés du chœur.
En guise d’orchestre, deux pianistes (sous la direction Philippe Forget) jouent non pas simultanément, mais tour à tour : Maurine Grais accompagne Monsieur Choufleuri, tandis que Laura Nicogossian, grimée en Conchita Wurst, se charge de tous les numéros additionnels, le tout étant dirigé par le chef Philippe Forget, qui met en valeur la dimension parodique de la partition d’Offenbach. Vocalement, le rôle le plus exigeant est sans doute celui d’Ernestine, et Céline Laborie relève le défi haut la main, maîtrisant les difficultés de son rôle en termes de colorature tout en sachant déclamer d’une voix fruitée, et avec le juste degré de coquinerie, les couplets de l’héroïne qui sont le premier numéro chanté de l’œuvre. Ces qualités, elle les déploie également dans le grand monologue introductif des Mamelles de Tirésias, ainsi que dans le duo de Don Pasquale « Tornami a dir che m’ami » qu’elle chante avec Emmanuel Roubet. Nemorino l’an dernier, déjà en plein air devant ce même « château » de la Pandelle, le ténor prodigue ses aigus claironnants dans le rôle de Chrysodule Babylas.
Dans le rôle-titre, Hervé Hennequin manifeste tout l’abattage nécessaire et, pour étoffer un rôle normalement privé de toute intervention soliste, se voit gratifié de l’air de l’incognito tiré de La Périchole. Clarinettiste et habitué des petits rôles lyriques, Camille Artichaut est un drôlatique Peterman qui se glisse parmi les invités pour susurrer « Maman, c’est toi la plus belle du monde », tube jadis défendu par Luis Mariano et par Tino Rossi.
En 1861, aux Bouffes-Parisiens, le couple Balandard était interprété par deux hommes : en 2021, il est incarné par deux femmes. Madame Balandard délicieusement toquée, Eugénie Berrocq distille l’une des Trois Chansons érotiques (1997) de Patrick Burgan, tandis que Maëla Vergnes, entendue ici en Siebel ou en Oreste, est un Balandard gentleman qui interprète avec aplomb l’air « Chacun à son goût » du prince Orlofsky, bouclant la boucle de ce Choufleuri en forme de Chauve-souris.
Laurent Bury
Photo © Kristof T’Siolle
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