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Rigoletto à l'Opéra Bastille – Ludovic Tézier, trésor national – Compte-rendu

 
Ce Rigoletto mis en scène par Claus Guth nous avait laissé de marbre et, avouons-le, le seul intérêt de sa reprise était la présence dans le rôle-titre de Ludovic Tézier qui partageait déjà l'affiche en alternance avec Quinn Kelsey et Franco Vassallo en mai 2016. Pourtant le simple fait d'avoir été placé plus près de la scène et de faire ainsi corps avec le dispositif scénique, nous a permis de ressentir avec plus de force la vision au metteur en scène. Ce clown triste et muet qui revit son histoire en ouvrant sous nos yeux une vieille boîte de laquelle il extrait quelques reliques sacrées (la robe tâchée de sang de sa fille, son vêtement de bouffon), constitue une intéressante mise en abyme dès lors que celui-ci se trouve lui-même et bientôt les personnages auxquels il redonne vie, dans une immense boîte en carton qui tient lieu de décor. Si l'on regrette que cette idée de départ n'ait pas suscité plus d'inspiration à son auteur, pris de court dans la gestion des foules, l'enchaînement des scènes et la pure direction d'acteur, ce spectacle gagne a être revu, ce qui n'est pas toujours le cas.
 

© Elisa Haberer - OnP
 
Ludovic Tézier (photo) souvent limité dans son jeu ne manque pas ici de relief pour composer un Rigoletto partagé entre ce rôle d'amuseur, qui lui coûte, et celui de père aimant et outragé qui le conduira à sa perte. Vocalement le baryton impressionne par la richesse du timbre, sombre, rond et percutant, la longueur du souffle et la maîtrise d'un chant qui traduit une à une toutes les émotions d’un personnage broyé. Après l'avoir applaudi sur ce plateau en Renato, Simon, Germont, Posa, Di Luna et Amonasro, tous mémorables, et en attendant Macbeth et Nabucco, ce Rigoletto incarné, unique et flamboyant appartient bien au plus grand verdien de son temps.
 

© Elisa Haberer - OnP
 
Nadine Sierra, Gilda en 2017 aux côtés de Zeljko Lucic et de Vittorio Grigolo, confirme les attentes d'un public amateur de voix pleine, voluptueusement timbrée et aux vocalises ailées, la soprano déployant une technique à l'américaine sûre et maîtrisée, à laquelle il manque tout de même un soupçon de fragilité et des zones d'ombres que seules savent imprimer les plus grandes. Dmitry Korchak succède à Grigolo et à Fabiano, en Duc de Mantoue, généreux en décibels et en aigus tenus plus que de coutume, mais quelle voix ingrate, raide et sans italianità.
 

Giacomo Sagripanti © DR

Contessa, Giovanna et Page inacceptables sur un tel plateau, honorables seconds rôles (Monterone de Bogdan Talos et Maddalena de Justina Gringyte), mais Sparafucile sans grave de Goderdzi Janelidze et chœurs limpides - préparés par Ching-Lien Wu.
Dans la fosse, Giacomo Sagripanti joue la carte du dramatisme dont l'œuvre regorge, avec des accents volontairement noirs et des tempi serrés qui bousculent –  et c'est tant mieux ! – nos habitudes d'écoute.
 
François Lesueur

 Verdi : Rigoletto – Paris, Opéra Bastille, 29 octobre ; prochaines représentations 4, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 14, 15, 17, 20 et 24 novembre 2021/ www.operadeparis.fr/saison-21-22/opera/rigoletto
 
Photo © Elisa Haberer - OnP

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