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Festival International de Musique de Dinard 2022 – Les amateurs considérés – Compte-rendu
La musique occupe une place centrale dans leur existence, rarement une journée s’écoule sans qu’ils ne consacrent du temps à leur instrument, mais leur vie professionnelle n’a souvent rien à voir avec lui ... D’aucuns regardent parfois les amateurs avec dédain, et pourtant leur profond amour de la musique force le respect et produit des résultats d’un niveau parfois surprenant. Nous revient en mémoire une conversation avec Aldo Ciccolini et, à l’évocation de la pratique amateur, ces mots, profondément sincères, dans la bouche du maître : « j’ai beaucoup de respect pour les amateurs ».
Claire-Marie Le Guay © Serge Bizeul
Ce respect, cette considération sont aussi ceux que Claire-Marie Le Guay manifeste envers eux. A preuve : directrice artistique du Festival international de musique de Dinard depuis 2019, elle a mis en place l’an passé, dans le cadre de cette manifestation, un Concours international pour les pianistes amateurs. « Les musiciens amateurs ont un rôle à jouer dans la société, dans la vie musicale, par la passion avec laquelle ils font place à la musique dans leur existence, place qu’ils créent en consacrant du temps, de l’énergie et de la concentration à leur instrument. Je suis très admirative de ces grands amateurs qui, quel que soit leur parcours professionnel et les contraintes diverses avec lesquelles ils doivent composer, maintiennent le lien avec la musique », nous confiait-elle au moment du lancement du Concours.
Victor Amoureux © Serge Bizeul
Une initiative particulièrement bienvenue et utile donc dans un pays qui a souvent beaucoup de mal à offrir de la visibilité aux amateurs. Et le succès est au rendez-vous : après des débuts modestes quant au nombre de candidatures l’an dernier, ce sont près d’une vingtaine de pianistes qui ont répondu à l’appel cette fois, six d’entre eux demeurant en lice (la sélection se fait à partir de la vidéo jointe au dossier d’inscription) pour une finale dont le jury était présidé par Eric Le Sage, remplaçant de dernière minute d’un Jean-Philippe Collard souffrant. De 31 à 84 ans, ils ont eu bonheur de se produire devant le public chaleureux réuni au théâtre Debussy. Ce vrai public qui manque si souvent aux amateurs ...
De dr. à g. : Victor Amoureux, Matthieu Jubin, Clara Hwang, Claire Meissner-Bernard, Marco Cima & Anne-Marie Rouchon © Serge Bizeul
Venu spécialement d’Italie, Marco Cima – fondateur de la société d’informatique musicale M-Live – se présente avec Reflets dans l’eau et Mouvement de Debussy et y montre sensualité, sens de la couleur et de la nuance. Les connaisseurs de l’histoire du tennis français connaissent le nom d’Anne-Marie Rouchon, ancienne joueuse de première série qui a ensuite œuvré comme entraîneur national – elle aura été la première femme à occuper ce poste au sein de la FFT. Elle est aussi pianiste et a choisi pour Dinard la Polonaise op. 26 n° 1 de Chopin dans laquelle, misant d’abord sur la tendresse, elle charme par son sens du cantabile. Quant à Clara Hwang, c’est à l’audioprothésie pédiatrique qu’elle consacre sa vie professionnelle. Sa Ballade n° 2 de Chopin traduit de belles qualités de toucher et des transitions maîtrisées. Chercheuse en neuro-sciences, Claire Meissner-Bernard interprète pour sa part l’Andante et le final du Concerto italien de Bach avec un grand sens de la construction et de la globalité des mouvements. Dinard avait son représentant au Concours en la personne de Matthieu Jubin, professeur de lettres au lycée hôtelier de la ville. Passionné par les compositeurs bretons, il a opté pour l’originalité côté répertoire – mais en rien pour la facilité technique – avec la complexe Danza animata de Jean Cras, la dernières des quatre Danze du musicien et marin brestois. Pleine de relief et de lumière, son interprétation lui vaut le Prix du Public. Economiste et Administrateur de l’Insee, Victor Amoureux se délasse au clavier d’une vie professionnelle débordante de chiffres et de statistiques. Son Debussy (Reflets dans l’eau et Mouvement) témoigne d’une belle présence scénique et d’une remarquable aptitude à s’installer pleinement dans le temps musical avec un toucher bien timbré : le Prix du Jury lui revient de manière incontestable.
Eric Le Sage © Serge Bizeul
Les lauréats auront toutefois dû patienter un peu pour connaître les résultats car, avant leur proclamation, Eric Le Sage – comme il est de coutume pour le président du jury à Dinard – a pris place au piano pour un bref récital réunissant deux auteurs chers à son cœur. D’une sonorité pleine de chair et sans la moindre sentimentalité, le 6e Nocturne de Fauré précède le Carnaval de Schumann. Vivante, emplie de surprises et de prises de risques, l’approche tient l’auditeur en haleine, mêlant avec un art consommé les plus impétueux élans à de merveilleux instants d'intériorité et d’onirisme. Dimension qui appartient tout autant à l’extrait des Davidsbündlertänze offert en bis.
Le Festival de Dinard se poursuit jusqu’au 20 juillet ; après des soirées réunissant Renaud Capuçon et Claire-Marie Le Guay, Michel Portal et Bojan Z, il est encore temps d’aller écouter Béatrice Berrut (19/07) et la Nuit du Piano (20/07, à partir de 18h) ; soirée de clôture qui rassemblera Nathanaël Gouin, Claire-Marie Le Guay et Jonathan Fournel.
Alain Cochard
Dinard, Théâtre Debussy, 14 juillet 2022 // 33e Festival international de musique de Dinard, jusqu’au 20 juillet : www.ville-dinard.fr/agenda/33e-festival-international-de-musique-de-dinard/
Photo : Victor Amoureux recevant le Prix du Jury des mains de Victor Remy, adjoint au maire de Dinard, Délégué à la culture vivante et au patrimoine © Serge Bizeul
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