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Alzira de Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie - Liège – La tribu de Zamoro – Compte-rendu
C’est encore un « report Covid » mais c’est sans doute l’un des derniers : l’Opéra Royal de Wallonie propose en ce mois de novembre la rarissime Alzira de Verdi. Et l’on se demande vraiment pourquoi cette partition est si rarement donnée, en voyant ce spectacle, coproduit avec Bilbao et… Lima. En effet, Alzira partage avec La Périchole la distinction d’être l’une des quelques œuvres lyriques dont l’intrigue est située au Pérou. Certes, le Verdi de 1845 (1) n’atteint pas les mêmes sommets que dans certaines autres créations de sa jeunesse, mais cet opéra très bref – à peine plus d’une heure et demie – n’en inclut pas moins de fort belles pages. Bien sûr, la construction dramatique ressemble encore énormément à celle d’un opéra de Donizetti, et le livret d’après un drame de Voltaire est assez convenu, sa brièveté même empêchant les personnages de se développer de manière vraiment satisfaisante. Mais Cammarano y a déjà recours à des situations que l’on retrouvera dans Le Trouvère, comme ce duo entre la soprano qui se sacrifie pour sauver le ténor et le baryton qui jubile de pouvoir la mettre enfin dans son lit.
En fait, après une ouverture ridiculement guillerette compte tenu des événements qui vont suivre, après un prologue et une première scène qui peinent à convaincre, tout change dès qu’Alzira entre en scène : on commence à s’intéresser à l’action, et surtout la musique elle-même se transfigure, on y reconnaît enfin la griffe verdienne, avec certains raffinements et une ampleur qui seront les caractéristiques de la maturité du maître.
Le nouveau directeur musical de l’Opéra de Liège, Giampaolo Bisanti, sait nous convaincre de la valeur de cette partition, l’orchestre devenant lui aussi plus persuasif dans le discours construit autour du rôle-titre qui ne quitte plus guère la scène.
Pour monter cet opéra méconnu, voire inconnu, Jean Pierre Gamarra, péruvien comme son prénom ne l’indique pas, ne cherche pas midi à quatorze heures mais construit un spectacle sobre et fluide, qui donne quelques gages de modernité – les néons au-dessus du plateau, ou la grosse couronne du gouverneur de Lima qui semble empruntée à Willy Decker – avec quelques images spectaculaires, comme l’apparition d’Alzira semblable à une Vierge de procession espagnole lors de son mariage, même si le sens n’en est pas toujours clair (pourquoi l’héroïne s’envole-t-elle vers les cintres à la fin du premier acte ?).
Les costumes mêlent plusieurs époques de l’histoire du Pérou : avec leurs ponchos, les rebelles entourant Zamoro évoquent le Sentier Lumineux – on entend, heureusement une seule fois au cours de la soirée, des extraits d’entretiens réalisés en 2001 par la commission Vérité et Réconciliation – mais la majorité des scènes semblent se passer au XIXe siècle, le mariage final nous ramenant à l’époque des Conquistadors.
La distribution réunie à Liège permet aussi de croire à la réussite de cette musique. Dotée d’une belle présence scénique, Francesca Dotto (photo) est une Alzira dont la voix peut encore gagner en rondeur, mais elle maîtrise à la fois la colorature exigée par son premier air et l’ardeur théâtrale nécessaire au personnage. Apparu dès le prologue, Luciano Ganci séduit par une voix claire et puissante, avec un souffle qui lui permet de tenir interminablement l’aigu concluant cette première scène.
Quant à Giovanni Meoni, si son intervention initiale paraît un peu en retrait, le baryton s’échauffe peu à peu et connaît son moment de gloire au moment de sa mort, où il accable son assassin d’un pardon généreux. Autour d’eux, une poignée de seconds rôles dignement tenus et les chœurs de l’Opéra royal de Wallonie contribuent à la très bonne tenue de cette production, dont on espère qu’elle inspirera d’autres reprises de la trop rare Alzira.
Laurent Bury
(1) En deux actes avec prologue, l’ouvrage fut créé le 12 août 1845 au San Carlo de Naples
Verdi : Alzira – Liège, Opéra Royal de Wallonie ; 25 novembre ; prochaines représentations les 27 (15h) & 29 novembre, 1er décembre & 3 décembre (20h) // www.operaliege.be/spectacle/alzira-2022/
Photo © ORW-Liège – J. Berger
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