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« Pulcinella Swing » par la Compagnie Winterreise au Théâtre Dunois – Nuances du souffle amoureux – Compte-rendu
Trois mois après une reprise de sa Chute de la maison Usher dans le cadre inattendu d’un cinéma (1), la Compagnie Winterreise d’Olivier Dhénin est de retour avec « Pulcinella Swing ». A nouveau, on sort de la salle conquis par la poésie et la force d’un spectacle typiquement « winterreisien », assez inclassable – à mille lieues en tout cas de ce que notre modernité peut souvent offrir de vain, prétentieux et terriblement bavard quand elle sonde les sentiments humains. Pulcinella ? Le ballet de Stravinski est en effet bien à l’origine de la chose ; une œuvre qu’Olivier Dhénin avait envie d’aborder depuis longtemps. Le projet s’est concrétisé avec la création en 2021, à Tonnay-Charente, de ce que l’on retrouve cette fois à Paris, après une première reprise à la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne l’an dernier.
La version pour piano de la partition du Russe (sous les doigts d’Emmanuel Christien, toujours fidèle à Winterreise), des saynètes de l’écrivain suisse Robert Walser (1878-1956), quatre chansons françaises (Gainsbourg, Hardy) : ainsi énumérée la liste des ingrédients de « Pulcinella Swing » peut paraître improbable, mais le résultat s’impose, abouti et profondément touchant.
© Cie Winterreise
En conviant nombre de personnages de la commedia dell’arte autour du Polichinelle stravinskien, Olivier Dhénin a imaginé un spectacle en quatre parties, « Une salle de bal en Campanie », « Un parc à la Watteau », « Un bois au crépuscule », « La piazza du palais ducal », qui décrivent autant d’états de la passion amoureuse : l’amour malhabile, l’amour trompeur, l’amour en fuite, l’amour vainqueur.
Pour les traduire, il a réuni – soudé plutôt – une équipe d’une douzaine de jeunes gens (moyenne d’âge 20 ans). On n’a pas affaire ici à des professionnels, certains sont pour l’heure étudiants en chant, théâtre ou danse, d’autres emprunteront des voies différentes. Et l’on n’est que plus admiratif d’un résultat auquel les quelques fragilités qui se révèlent ici ou là ajoutent en charme et en émotion.
© Cie Winterreise
Sous le caractère délicieusement daté du matériau, que ce soit l’univers de la commedia dell’arte, les paroles des airs de l’ouvrage de Stravinski ou la langue aussi délicate que désuète de Walser, « Pulcinella Swing » parvient, par l’intelligence et le tact du propos d’Olivier Dhénin (qui revendique le clin d’œil « à l’univers enchanté de Jacques Demy », et ne se prive pas de références à la danse contemporaine – Pina Bausch, etc. ) à un résultat très actuel. Il n’est que d’en juger par l’attitude, parmi les spectateurs, d’adolescents captivés par le jeu de protagonistes de leur âge. La passion, l’ardeur, les doutes, la maladresse, l’indécision, la pulsion de vie qui les animent sont là, devant eux, sous le mouvement léger virevoltant, « marivaudant » de « Pulcinella Swing ». Actuel ? Eternel plutôt. «Jamais le souffle de l’amour ne s’arrête » ...
© Cie Winterreise
Formidable travail d’équipe on l’a dit, d’où l'on détachera les prestations de Theo Boukaroui, épatant Pulcinella, Marius Valero (Arlequin, issu de la Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique), Noémie Favre (Colombine), Gabriel Caballero (Lelio), Raphaël Picardeau (Brighella), Josselin Carsin (Matamore), sans oublier le piano toujours aussi attentif d’Emmanuel Christien. "Pulcinella Swing" tient l’affiche jusqu’au 7 juin : faites vite, une belle surprise vous attend ! Quant aux directeurs de théâtre qui cherchent à renouveler et rajeunir leur public, on ne peut que leur conseiller de s'intéresser à ce spectacle : il sonne vrai, sans rien céder à la démagogie du jeunisme.
Alain Cochard
(1) www.concertclassic.com/article/la-chute-de-la-maison-usher-de-debussy-par-la-compagnie-winterreise-au-cinema-larlequin-dans
« Pulcinella Swing » - Paris, Théâtre Dunois ( 75013/M° Chevaleret), 2 juin, prochaines représentations les 3, 4, 6 et 7 juin 2023 ( à 19h, 16h le 4) // www.theatredunois.org
Avec
Manon Benhafaied Rosalinde - Theo Boukaroui Pulcinella - Andrea Buret Florinda – Gabriel Caballero Lelio - Josselin Carsin Matamore - Noémie Favre Colombine - Olivia Lauret Chloris - Gloria Mendes Isabelle - Edith Monier Phyllis - Raphaël Picardeau Brighella - Erwan Schahmaneche Scaramouche - Marius Valero Arlequin & Emmanuel Christien (piano)
Photo © Cie Winterreise
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