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Une interview de Lambert Wilson, directeur du Festival Les Millésimes de Tonnerre – « Je suis envahi de musique. J’en écoute du matin au soir »
Le célèbre acteur ajoute à sa riche carrière un second cap : on le savait mélomane et sa belle voix de baryton-basse avait déjà résonné pour en donner une idée. Le voilà qui adopte aujourd’hui une autre casquette, celle de directeur et organisateur d’un Festival, que son superbe carnet d’adresses et sa quête de vérité musicale lui a permis de remplir de façon avantageuse.
Pourquoi Tonnerre ?
Parce que j’y ai acheté une maison, il y a vingt ans, et que je me suis attaché à ce coin de l’Yonne, riche d’un beau patrimoine, mais un peu exsangue. La ville de Tonnerre, où l’on trouve beaucoup de trésors, dont un magnifique Hôtel-Dieu, se trouve comme désertée, et ma passion de la musique m’a conduit, avec le soutien du maire Cédric Clech, lequel se bat pour redonner vie à l’endroit, ainsi que nombre de mes amis musiciens, comme Roger Muraro, à imaginer ce festival. Il y a deux ans, il y a eu une esquisse avec un concert, puis cinq l’an dernier et cette année voilà une session de sept, qui je l’espère, s’amplifiera les années suivantes.
L'Hôtel-Dieu de Tonnerre © DR
Cette passion, vous l’avez de toujours ?
Absolument, j’ai fait un peu de piano, mais surtout je suis envahi de musique. J’en écoute du matin au soir, de toute sorte. En fait, j’aurais aimé, je pense, bien plus que mon métier d’acteur, me plonger dans la pratique musicale, qui permet de surcroit des rapports humains et professionnels plus détendus que la mise en vue déclenchée par l’image d’acteur. L’ego des musiciens avec lesquels je collabore est bien moindre que celui des comédiens. On ne les reconnaît pas dans la rue, alors que le rapport à l’image de vous que d’autres s’incorporent vous oblige à une tenue, à une quête d’identité qui n’est pas forcément saine.
La mezzo-soprano Marie-Andrée Bouchard-Lesieur © jacqvf
Vous avez déjà participé à de nombreux concerts, à titre de récitant, et cette année ce sera l’Histoire du Soldat, comment cela se passe-t-il pour vous ?
D’abord, il est fondamental de connaître le texte en profondeur, sa prosodie notamment. Et je ne travaille pas sur une partition réduite mais sur la partition intégrale, pour orchestre. Cela rassure les chefs qui sont toujours terrorisés à l’idée de collaborer avec un comédien qui ne connaît pas les notes ! Evidemment, l’enjeu n’est pas le même pour Pierre et le Loup et L’Histoire du soldat que pour Un Survivant de Varsovie de Schoenberg, où la fusion avec la partition est essentielle.
En fait, puisque vous avez rêvé d’être musicien, et notamment chanteur, quels auraient été vos pages de prédilection ?
J’aurais adoré être Papageno ou Guglielmo, je suis un mozartien passionné, mais aussi wagnérien, et si j’avais pu chanter Wotan, cela aurait été le bonheur suprême. Je dois dire que le bel canto me fatigue un peu et même Verdi dans sa première période, extrêmement virtuose. De lui j’aime surtout Otello et Falstaff, et j’aurais aussi aimé incarner son Philippe II. L’extase vocale pour elle-même, au-delà de la musique et du drame, me paraît un peu artificielle, et entraîne d’ailleurs chez le public des réactions excessives. Aujourd’hui, encore je suis épouvanté par la façon dont certains chanteurs, malgré l’effort immense que représente leur interprétation dans des rôles terribles, sont violemment rejetés. J’ai vu autrefois siffler Edda Moser et Mirella Freni, soi-disant parce que les rôles qu’elles tenaient n’étaient semble-t-il pas pour elles ! Cela m’enlève toute envie d’aller dans les salles d’opéra.
Le Duo Geister ( David Salmon & Manuel Vieillard) © Lyodoh Kaneko
A Tonnerre, où vous organisez donc sept concerts, y a-t-il des lieux propices à la musique ?
Le superbe Hôtel-Dieu n’est malheureusement pas idéal, en raison de sa réverbération, et il faudrait l’aménager quelque peu. Mais il y a d’autres endroits qui conviennent, même s’ils n’ont pas sa beauté. Et la qualité des artistes invités cette année a de quoi donner envie, j’espère, avec la superbe Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, le formidable ensemble Les Métaboles de Léo Warynski (un concert en partenariat avec la Cité de la Voix – Vézelay, dans le cadre du festival "Chants libres" de la Fondation Bettencourt Schueller ndlr), le trio Moreau-Meyer-Williencourt, le Duo Geister, d’autres grands comme Daishin Kashimoto, et pour varier les plaisirs et ouvrir l’audience du festival à un autre type de public, un concert pop.electro.freejazz du formidable Thomas de Pourquery. Et stimuler un élan musical dans un lieu magnifique et qui en a besoin !
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 8 juin 2023
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