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« Jeunes Talents & Friends » au Festivals de Prades – Riche pépinière – Compte-rendu
Un peu de retard pour le démarrage du premier concert « Jeunes Talents & Friends » dans la belle église de Catllar. Pour la bonne cause ! Face à l’affluence, on exploite au mieux l’espace disponible. Lancée en 2021, la série des concerts de 11h que le festival organise dans des villages des environs de Prades a d’évidence trouvé son public (tarif abordable, haut niveau musical : le succès est tel qu’une date supplémentaire aura même été ajoutée en cours de route cette année).
Formé d’étudiants issus de prestigieux établissements européens, l’Orchestre du Festival constitue une riche pépinière où l’on puise pour les concerts chambristes de « Jeunes Talents & Friends ». Le principe est d’associer les instrumentistes retenus aux professionnels expérimentés chargés de leur encadrement à l'orchestre. Mais il est des exceptions, comme lors d’un premier rendez-vous sans aucun aîné : il s’ouvre par la Sonate pour violon et violoncelle de Ravel confiée à Asako Imari et Cyprien Lengagne, deux interprètes venus de l’International Menuhin Music Academy de Gstaad (1) – retenez leurs noms !
Asako Imari et Cyprien Lengagne © François Brun
Chef-d’œuvre absolu – et réalisation parmi les plus méconnues du maître de Montfort-l’Amaury – l’ouvrage, d’un dépouillement qui ne manqua pas de dérouter ses premiers auditeurs, est de ceux qui ne pardonnent rien. A l’intonation irréprochable, à la maîtrise souveraine de la partition, les deux artistes ajoutent une compréhension intime d’une musique écrite entre 1920 et 1922. C’est bien une sonate « d’après-guerre » qu’il donnent à entendre, saisissant les sombres arrière-plans d’une musique hantée par les terribles images de la grande boucherie (ce Lent ...). La longue ovation du public en dit long sur la densité de l’interprétation dont il vient de faire l’expérience.
Hommage la mémoire de Claude Debussy, la Sonate de Ravel, prélude idéalement au Quatuor de Claude France, confié au Quatuor Kalik (Camille Garin, Madeleine Athané-Best, Mélissa Dattas et Alec Fuduka ; quatre archets issus du CNSMDP). Il traduit une conception déjà bien affirmée de l’œuvre ; une vision tout à la fois secrète et épanouie, pleine de relief et de couleurs. Une jeune formation prometteuse, à suivre avec attention.
Vincens Prats, Camille Aubrée, Vlad Osadchiy, Jorge Giménez © DR
Mozart est à l’honneur le lendemain à l’église de Codalet lors d’un concert réunissant jeunes instrumentistes et des membres de grandes formations symphoniques. Ce sont même deux de ces derniers, le bassoniste Valentin Neumann (Philharmonique de Strasbourg) et la violoncelliste Julie Sévilla-Fraysse (Orchestre de l’Opéra de Paris) qui ouvrent le ban avec la Sonate pour basson et violoncelle KV 292 dans laquelle ils nouent un dialogue plein de galanterie et de vie.
Suit le fameux Quatuor avec flûte en ré KV 285 pour lequel Vicens Prats fait équipe avec les jeunes archets de Camille Aubrée, Vlad Osadchiy et Jorge Giménez. Nul doute que ceux-ci garderont longtemps en mémoire la radieuse simplicité avec laquelle, de sa sonorité ambrée, la flûte solo de l’Orchestre de Paris a su converser eux de la plus fraternelle manière.
Le Quintette à cordes en sol mineur à deux altos n’est pas en reste sur ce point ; un KV 516 pour lequel Solanch Sosa, Nereas Arriola, Nina Tonji et Cyprien Keiser sont réunis autour de l’altiste Dana Zemstov, qui veille sur ses jeunes collègues avec une attention de chaque instant. Pour un résultat exemplaire d’intensité et d’humanité. Que de secrets sous les sourdines du solitaire Adagio ma non troppo, quel élan tragique derrière les apparences heureuses du final ...
Alain Cochard
Festival de Prades – 31 juillet (Catllar) & 1er août (Codalet) 2023
Photo (de g à dr. : Quatuor Kalik - Cyprien Lengagne et Asako Imari ) © François Brun
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