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Marie Jacquot dirige l’Orchestre de chambre de Paris – Quand la forme fait sens – Compte-rendu
En la désignant « Révélation chef d’orchestre », les récentes Victoires de la Musique ont mis en lumière le talent de Marie Jacquot. Un nom que beaucoup de mélomanes auront découvert à cette occasion. Il est vrai que si l’artiste est parisienne de naissance et a commencé ses études musicales en France, toute la suite de son parcours s’est effectuée en terre germanique. Après des études de direction à Vienne et Weimar, elle a été Kapellmeisterin à Wurtzburg de 2016 à 2019, avant d’occuper un poste similaire à la Deutsche Oper am Rhein ( Düsseldorf – Duisbourg) de 2019 à 2023. Première cheffe invitée à l’Orchestre symphonique de Vienne depuis l’an dernier et récemment nommée directrice musicale de l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne (prise de fonctions en 2026), elle occupe à partir de cette année le poste de cheffe principale de l’Orchestre Royal du Danemark à l’Opéra de Copenhague.
© Werner Kmetisch
33 ans seulement et une très solide expérience donc pour une cheffe que l’on est allé écouter avec d’autant plus de plaisir à l’Orchestre de chambre de Paris que le programme se distinguait par son originalité. Le Symphonie n° 36 « Linz » de Mozart placée en seconde partie n’est certes pas une rareté, mais pas la plus courue de l’Autrichien toutefois, et, surtout, ce n’est pas tous les soirs que l’on entend le Double Concertino pour clarinette et basson en fa majeur et le Second Concerto pour cor en mi bémol majeur de Richard Strauss
Florent Pujuila & Fany Maselli © OcP
Comme il l’avait fait avec Deborah Nemtanu et Jossalyn Jensen dans la Symphonie concertante de Mozart à l’automne dernier, l’Orchestre de chambre de Paris a eu l’excellente idée de faire appel à deux de ses membres pour les parties solistes de l'un des Strauss – solution particulièrement bienvenue quand on sait le niveau qui est aujourd’hui celui des vents de l’OCP.
À Florent Pujuila et Fany Maselli revient le Double Concertino (1946-1947), que les solistes, bien aidés par la direction de Marie Jacquot, restituent avec l’esprit requis par une partition qui a tout d’une scène d’opéra où deux personnages conversent accompagnés par les cordes et la harpe (bravo à Aliénor Mancip). Face à la vivacité et au charme couleur d’ambre du clarinettiste, la bassoniste déploie une palette expressive tout aussi riche, de l’humour goguenard à un lyrisme et une longueur de son admirables (ce solo molto tranquillo au commencement de l’Andante ...). Un régal d’un bout à l’autre (et le un poco esitando au commencement du Rondo n’a pas été oublié) !
David Guerrier © OcP
Aux deux solistes en succède un, non moins remarquable, trompettiste et corniste, David Guerrier, aujourd'hui trompette solo du Philharmonique de Berlin, dans le 2e Concerto pour cor en mi bémol. Un ouvrage de 1942, de soixante ans postérieur au Concerto n° 1 et bien éloigné des drames de l’époque. Les souffleurs français suscitent l’admiration partout dans le monde ; on le comprend en savourant le modelé et la variété que David Guerrier imprime à sa sonorité. Comme dans l’ouvrage qui précédait, Marie Jacquot veille au grain et apporte à la partie d’orchestre une dynamique et un relief qui mettent en valeur un soliste oscillant entre tendresse et espièglerie. Délicieux !
© OcP
1783 : tous les espoirs sont encore permis pour un compositeur lancé depuis deux ans à la conquête de Vienne. De retour vers celle-ci après une visite à Leopold à Salzbourg, Mozart fait halte à Linz et y compose la Symphonie n° 36 dont le caractère se conçoit mieux replacé dans le contexte biographique. Une manière de redire – en ut majeur – « à nous deux Vienne ! », après avoir envoyé paître Colloredo deux ans plus tôt.
Marie Jacquot s’empare du KV 425 avec énergie et imprime à l’OCP une sonorité tout à la fois charnue et aérée. La netteté de la battue – jamais sèche ni cassante cependant – traduit la clarté de la pensée. Sous le pétillement de l’Alllegro spiritoso, la logique formelle de la musique fait sens. Evidence partagée par des instrumentistes que l’on sent proprement aux anges. Une interprétation synonyme d’élan et de luminosité (avec le concours des belles trompettes d’Adrien Ramon et Jean-Michel Ricquebourg !). Reste qu’elle sait aussi sonder la part d’inquiétude qui sous-tend la musique : une fine musicienne est à l’œuvre dans l’Andante ...
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 11 avril 2024
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Photo © Werner Kmetisch
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