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Une interview d’Astrig Siranossian, violoncelliste et directrice artistique du Festival Nadia & Lili Boulanger de Trouville ( 31mai - 2 juin ) – "Nadia Boulanger laisse une trace omniprésente"
Du 31 mai au 2 juin prochains, Trouville accueillera la première édition d’un festival rendant hommage à Nadia et Lili Boulanger.(1) Concerts donnés par Nathanaël Gouin, Philippe Bianconi, Pascal Moraguès et bien d’autres, film de Bruno Monsaingeon, conférence d’Alexandra Laederich, déléguée générale du Centre Nadia et Lili Boulanger : c’est à un riche programme que nous convie Astrig Siranossian (photo), directrice artistique de cette nouvelle manifestation. La violoncelliste est passionnée depuis des années par les sœurs Boulanger, et a d’ailleurs enregistré en 2020 un programme « Dear Mademoiselle » (Alpha), aux côtés de Nathanaël Gouin et Daniel Barenboïm.
Nous avons rencontré Astrig Siranossian à ce propos, et en avons profité pour anticiper un peu et évoquer les deux concerts que l’artiste donnera à la Philharmonie de Paris les 27 et 29 septembre, pour un autre hommage… cette fois rendu à son pays d’origine, l’Arménie.
Que représente pour vous la figure de Nadia Boulanger à laquelle vous êtes tellement attachée ?
Tout d’abord, je vous précise que son livre d’entretiens avec Bruno Monsaingeon, « Mademoiselle » (2), est pour moi un livre phare. Cette femme incarne la transmission, la pédagogie, beaucoup d’éléments qui inspirent quotidiennement. Cette femme que je n’ai malheureusement pas connue, laisse une trace omniprésente dans la musique. L’album que je lui avais consacré constituait la première étape d’un travail que j’effectue autour de sa figure. Le Festival de Trouville marque une nouvelle étape, et appartient à une catégorie d’événements, dont j’adore assurer la direction artistique. Et puis Trouville revêt une importance symbolique certaine puisque les sœurs Boulanger y ont séjourné plusieurs fois.
Nadia Boulanger a été une inoubliable pédagogue, mais on a tendance à occulter ses compositions, qu’elle regardait elle-même sans aménité ...
Elle qualifiait même sa propre musique…d’inutile. Et pourtant, n’oublions pas que si Lili Boulanger a été la première femme à obtenir le prix de Rome, Nadia Boulanger a eu un deuxième prix, ce qui n’est pas rien. Mais à titre d’exemple, quand j’ai parlé à Daniel Barenboïm des compositions de Nadia (Astrig Siranossian a enregistré à ses côtés Trois Pièces pour violoncelle et piano, ndlr), et alors même qu’il a été son élève, il m’a dit qu’il ignorait qu’elle avait composé. Du reste, il n’oublie jamais de dire que Nadia Boulanger a été son premier contact avec la France. Il avait douze ans. J’ai retrouvé à la BnF des lettres très touchantes que Barenboïm envoyait alors à Nadia Boulanger.
Eva Zaïcik © Victor Toussaint
Les 27 et 29 septembre prochains, vous donnerez à la Philharmonie de Paris deux concerts (3), dans le cadre d’un week-end consacré à l’Arménie. Lors du premier concert, vous jouerez aux côtés d’Eva Zaïcik, David Haroutunian et Xénia Maliarevitch des répertoires savants et populaires. Pouvez-vous nous parler de Komitas (1869-1935), un des grands compositeurs arméniens ?
Komitas est un ethno-musicologue qui, avant le génocide arménien, a recueilli des mélodies populaires, qui ont depuis disparu. Je ne sais pas s’il avait la crainte, comme ont pu l’avoir Bartók ou Kodály pour les musiques populaires hongroises, que ces musiques disparaissent. Quoi qu’il en soit, il a eu une importance essentielle.
Je suis très heureuse de jouer avec ces musiciens – qui ont enregistré un très beau programme arménien intitulé « Mayrig » – le 27 septembre prochain.
Sergey Smbatyan © sergerysmbatyan.com
Vous jouerez aussi le Concerto-Rhapsodie de Khatchatourian le 29 septembre, aux côtés de l’Orchestre symphonique d’Etat d’Arménie, dirigé par Sergey Smbatyan ...
Le Concerto-Rhapsodie (1963) a été composé pour Rostropovitch. Une œuvre que j’adore jouer, très imposante, très héroïque. Un héroïsme porté par le soliste ; une musique forte, galvanisante ! Elle nous rappelle que Rostropovitch avait un son, un jeu très caractéristique, comme pouvait l’avoir une autre violoncelliste qui m’est chère : Jaqueline Du Pré.
Nathanaël Gouin © Valentine Chauvin
Parmi les interprètes du Festival Nadia & Lili Boulanger on retrouve le nom d’un de vos complices musicaux les plus proches, le pianiste Nathanaël Gouin. Pouvez vous nous parler du disque que vous venez d’enregistrer à ses côtés, et qui paraîtra dans quelques mois chez Alpha ?
Nous avons enregistré des œuvres rarissimes (4), dont une la Sonate de Marcelle Soulage (1894-1970), compositrice, qui a surtout été connue pour avoir écrit le Que-sais-je ? sur le solfège ! Il s’agit d’une œuvre merveilleuse, que nous avons découverte grâce à la Fondation Royaumont. Nous avons aussi enregistré la Sonate du compositeur et marin Jean Cras (1879-1932), et une autre rareté, la Sonate de Pierre-Octave Ferroud (1900-1936) une partition très étonnante. Nous adorons, avec Nathanaël, ce travail de découverte d’œuvres rares.
Propos recueillis par Frédéric Hutman le 7 mai 2024
(2) « Mademoiselle », entretiens avec Nadia Boulanger (Ed. Van de Velde – 1980)
(3) philharmoniedeparis.fr/fr/agenda?startDate=2024-09-27
(4) Œuvres qui formaient le programme d’un concert donné à la Bibliothèque La Grange-Fleuret le 28 février dernier // Lire le CR : www.concertclassic.com/article/astrig-siranossian-et-nathanael-gouin-la-bibliotheque-la-grange-fleuret-cap-sur-la-rarete
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