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Le Barbier de Séville au Festival Rossini de Pesaro 2024 – Incontestable « qualità » – Compte-rendu
La 45e édition du Festival Rossini de Pesaro s’est refermé sur une représentation du Barbiere di Siviglia, mis en scène par Pier Luigi Pizzi, et une version de concert du Viaggio a Reims, opéra dont la célèbre résurrection, due au tandem Abbado-Ronconi, a eu lieu il y a quarante ans exactement.
Inutile de s’appesantir sur le récital sans histoire donné le 21 août au Teatro Rossini par la mezzo italienne Daniela Barcellona, accompagnée par Alessandro Vitiello. La cantatrice n’est pas indigne, mais avec un programme où se succèdent De Falla, Tosti et Rossini il est permis d’espérer davantage que ce chant monochrome sur lequel pas un frisson, pas une vibration, pas le moindre sous-entendu ne passent. Le souffle se fait court chez l’Espagnol, Tosti semble interminable et Les pêchés de vieillesse sont à la limite du supportable. La scène d’entrée de Tancredi est exécutée correctement mais au pas de course, comme s’il fallait l’expédier, tandis que l’air de Mignon chanté dans un français approximatif, comme celui de La Favorite, est tout sauf émouvant. Les bis (Carmen et Adriana Lecouvreur) ne changeront rien, mais le public exclusivement composé de fans était aux anges et serait bien resté en compagnie de son hôtesse pendant des heures !
Maria Kataeva (Rosina) & Andrzej Filonczyk (Figaro) © Amati Bacciardi
Le lendemain, direction le Vitrifrigo Arena, un affreux complexe sportif qui trône au beau milieu d’un centre commercial, pour assister à la dernière des quatre représentations du Barbiere di Siviglia. La production visuellement élégante et théâtralement efficace signée par l’inamovible Pier Luigi Pizzi en 2018, constitue un écrin de choix pour que l’action s’y déroule sans le moindre accroc. Décor stylisé de villa en noir et blanc, où patio, balcon et fontaine trouvent naturellement leur place, costumes Empire fluides, le spectateur prend plaisir à suivre cette intrigue où les scènes s’enchaînent dans la plus volubile animation.
Carlo Lepore (Bartolo) & Maria Kataeva (Rosina) © Amati Bacciardi
Inutile de préciser que si le charme opère si bien c’est aussi et surtout en raison de la distribution quasiment idéale réunie pour l’occasion. Le Figaro bondissant de Andrzej Filonczyk, baryton de 29 ans promu à un bel avenir – s’il veille cependant à parfaire ses vocalises et à surveiller son legato – a de l’abattage et du tempérament à revendre. Bien décidé à sauver Rosina des griffes de son affreux tuteur, il forme avec la mezzo russe Maria Kataeva un bien beau duo, cette dernière jouant et chantant comme elle respire en ayant soin d’y apposer son regard plein de malice et de délicatesse. Et quelle voix ! Etendue, pleine, charnue, aussi généreuse dans le grave que dans l’aigu, rien ne lui résiste, pas même la virtuosité racée qu’elle applique à cette partition avec une belle technique qui nous fait d’autant mieux comprendre le désir d’émancipation qui l’a mû lorsque paraît le sémillant Almaviva …
Jack Swanson (Almaviva) © Amati Baccciardi
Jack Swanson, contraltino solaire et juvénile, à la vélocité jamais prise en faute, excelle dans un rôle fait pour lui et dans lequel il prend plaisir à évoluer, de l’« Ecco ridente » suave du 1er acte au redoutable mais ô combien enivrant « Cessa di piu resistere » placé à la toute fin de l’ouvrage. Carlo Lepore est comme il se doit dans ce répertoire buffo un Bartolo libidineux et grincheux à souhait, dont le chant syllabique impressionne, Patrizia Biccirè une impeccable Berta. Seul bémol, la décevante prestation de Michele Pertusi dont les efforts visibles font pâlir le traditionnel numéro qui échoit à Basilio.
Lorenzo Passerini © Amati Bacciardi
Dans la fosse, à la tête de l’Orchestre symphonique Rossini, Lorenzo Passerini s’emploie à faire scintiller une partition qu’il semble connaître comme personne, sa direction nerveuse et parfaitement dosée, aux tempi choisis et aux couleurs éclatantes, venant subtilement rythmer la soirée.
François Lesueur
Rossini Opera Festival, Pesaro, Vitrifrigo Arena, 22 août 2024
Photo © Amati Bacciardi
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