Deux génies marginaux

Une Nuit sur le Mont chauve de Modeste Moussorgski est une transcription pour piano seul du poème symphonique pour orchestre inspiré d’une nouvelle de Gogol : « La nuit de la Saint Jean ». Cette œuvre fantastique nous plonge dans un univers de sorcières, de spectres démoniaques et de magie maléfique dans une nuit tourmentée qui attend l’arrivée du jour.
Les tableaux d’une exposition sont composés durant l’été 1874 par Moussorgski et constituent la grande œuvre pour piano seul de ce compositeur. Pièce profondément russe, elle représente une pléiade de personnages, scènes et images de la vie du peuple, ce peuple dont Moussorgski défendra à jamais la cause. Entrecoupés de « Promenades », leitmotiv symbolisant la marche du compositeur dans l’exposition, la musique nous donne à voir « Gnomus », « Il vecchio castello », ou encore « Le Marché de Limoges” », « Baba Yaga » et la monumentale « Grande porte de Kiev ».
Entre ces deux œuvres de ce compositeur au discours si intense et profond, une œuvre radicalement opposée de Érik Satie, très peu jouée, et assez originale : trois Préludes du Fils des étoiles. Extraits d’une musique de scène écrite par Satie en 1892 (soit 18 ans après les Tableaux de Moussorgski), ces préludes pour piano remaniés par le compositeur lui-même font partie de la période religieuse de Satie, et sont empreints d’un sentiment complètement surnaturel. D’un modernisme remarquable, ces préludes donnent véritablement l’opportunité au temps de s’arrêter. Les trois préludes se nomment respectivement Vocation, Initiation et Incantation.
Et c’est en introduction à tous ces sentiments très puissants que je jouerai la première Gymnopédie d’Erik Satie, petit bijou d’une terrible tendresse.