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L'Etoile à Nancy - Chabrier aux grands magasins Ouf - Compte-rendu
A la fin de l'ouverture, l'apparition du Roi Ouf déguisé en Père Noël l'affirme sans ambiguïté possible : L'Etoile de Chabrier est le spectacle de fin d'année de l'Opéra de Nancy. Dans sa production étrennée il y a quelques années à Nantes et Angers, Emmanuelle Bastet a eu l'idée de transposer le livret d'Eugène Leterrier et Albert Vanloo dans le monde des Grands Magasins, confondant habilement l'univers marchand d'avant la grande distribution au scintillement du consumérisme contemporain des fêtes de Noël.
On sourit aux gags qui émaillent la mise en scène – l'ascenseur, montant les étages au fil de l'intrigue jusqu'aux appartements du patron-souverain, la bourgeoise directrice de magasin travestie, Madame Bihour, personnage créé de toutes pièces, etc. Mais le répertoire comique s'épuise assez rapidement dans des jeux de mots faciles et une Laura Scozzi que l'on a connue plus inventive dans ses chorégraphies.
Un tel parti pris gomme la causticité de la charge politique de l'ouvrage, d'autant plus puissante qu'elle est totalement loufoque et dénuée de tout réalisme. Rions de l'horreur et de la démence arbitraire des pouvoirs plutôt que d'en pleurer : Ubu n'est pas très loin, mais Emmanuelle Bastet lui a préféré le sympathique barbu à la hotte. Sans doute est-ce davantage de circonstance.
Mais cette tiédeur scénographique passerait sans peine si la musique de Chabrier était emmenée avec un entrain pétillant, ce que la baguette raide de Jonathan Schiffman semble ignorer. On cherche en vain la rythmique féline de cette exquise et espiègle partition qui parodie subtilement le bel canto donizettien aussi bien que le grand opéra à la française ou Offenbach. Elle sonne hélas massive voire confuse dans des ensembles qui confondent parfois intensité sonore et efficacité dramatique. La délicate alchimie entre écriture savante et ravissement de l'oreille ne peut se faire, d'autant que les intermèdes d'ambiance sonore vaguement jazzy diffusés dans les sections parlées, censés faire années cinquante, accentuent l'inconstante dynamique de la soirée.
On se console avec la Louala fruitée de Norma Nahoun – une délicieuse princesse. D'aucuns lui préféreront la perfection de la diction d'Anaïk Morel, Lazuli sans faiblesse mais sans grand éclat non plus. Amaya Domínguez séduit en Aloès par sa couleur vocale, aussi égale que son intonation. Eric Huchet investit le rôle du Roi Ouf d'une admirable énergie et pallie les lacunes de la direction d'acteur. Jean-Vincent Blot minaude merveilleusement la lâcheté de Siroco. Christophe Gay et Christophe Berry composent d'excellents Hérisson de Porc-Epic et Tapioca. Enfin, Jean-Marc Bihour incarne une directrice sagement exubérante, taillée sur mesure pour un public familial, et intraitable avec le personnel qui complète le kaléidoscope théâtral.
Gilles Charlassier
Chabrier : L'Etoile – Opéra national de Lorraine, Nancy, 28 décembre 2012, dernière représentation le 3 janvier 2013
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Photo : Opéra national de Lorraine
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