Journal
Les Tallis Scholars au Musée d’Orsay - Le style et la manière - Compte-rendu
Né en 1973, l'ensemble mixte des Tallis Scholars est devenu aujourd'hui un emblème, lui dont le perfectionnisme obstiné a largement contribué à façonner un son A Cappella à la fois fervent et crédible. Avant tout soucieux d'intelligibilité, le chef Peter Phillips a su concilier dans ses approches bonheur harmonique et intériorité, permettant à chaque détail de la ligne vocale d'être parfaitement perceptible.
En tout cas, les Tallis n'auront pas raté leur rendez-vous avec le Musée d'Orsay où ils réveillaient, entre autres, la Messe du Pape Marcel de Palestrina. Dans ce joyau polyphonique, le pouvoir rhétorique des chantres insulaires brille au plus haut, tout comme dans les Stabat Mater et Magnificat primi toni pour double chœur où le Prénestin se fait le défenseur zélé d'une spatialité au service du mot. Au-delà, on notera que les Tallis en demandant quatre des cinq pièces de leur programme au même Palestrina, insistaient sur le rôle exemplaire joué par sa musique dans le concert du temps, quelque trois siècles avant l'engouement suscité par sa redécouverte par les Romantiques (ainsi Verdi voyait dans ce retour un « progrès » bienheureux, tandis que le Palestrina-stil était célébré outre-Rhin).
Reste ce qui aura été sans doute le sommet du concert : le chant du vrillant Miserere de Gregorio Allegri (pour deux chœurs à neuf voix), jadis chanté à la Chapelle Sixtine pour les offices de la Semaine Sainte à Rome (les cierges y étaient progressivement éteints jusqu'à ce qu'une obscurité totale règne dans le sanctuaire). Un impressionnant rituel funèbre s'y déploie, dont le pouvoir de fascination a perduré jusqu'au XXème siècle. Aussi bien, les pélerins des Tallis Scholars s'y immergeaient dévotement (les timbres ductiles des sopranos, confortés par le juste soutien des ténors et basses) sous la direction de Peter Phillips qui joignait l'élégance à l'humanité. Tel quel, un rare moment musical s'est joué là, qui transfigurait le décor un peu froid du Musée d'Orsay par la grâce d'interprètes ayant l'entendement profond du contrepoint comme du «dire».
Roger Tellart
Paris, Nef du Musée d’Orsay, 21 juin 2013
Site des Tallis Scholars : www.thetallisscholars.co.uk
> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?
> Lire les autres articles de Roger Tellart
Photo : Eric Richmond
Derniers articles
-
27 Novembre 2024Laurent BURY
-
26 Novembre 2024Récital autour de Harriet Backer à l’Auditorium du musée d’Orsay – Solveig, forcément – Compte-renduLaurent BURY
-
26 Novembre 2024Alain COCHARD