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Versailles - Compte-rendu : Le Triomphe de Circée. Espoirs déçus pour un retour espéré
Christophe Rousset ne manque pas de courage : offrir sans coupures, avec toutes les splendides guirlandes de danses les vastes cinq actes pensés par Leclair en demande, mais a-t-il toutes les clefs de cet univers ?
Sa baguette cursive manque de carrure pour les scènes d’enchantements, de nerf dans les tambourins. Partout on imaginait, par défaut, ce qu’une direction plus contrastée aurait pu débusquer de surprises dans une musique qui en regorge littéralement. Lorsque l’élégance régence pointe le bout de son nez, Rousset est à son meilleur – comme pour le si vivaldien « Viens Amour, quitte Cythère » - mais la part noire de l’œuvre lui échappe.
En confiant Circée à Karina Gauvin (photo ci-dessus), Rousset a pris un risque, celui de créer un fossé incomblable entre les styles. Celui aussi de faire entendre une vraie chanteuse, avec des moyens conséquents et une technique trempée reléguant le reste de la distribution à un niveau inférieur. Car qui, sinon la Dorine de Salomé Haller, avec son métal vocal si tranchant et son aplomb de comédienne pouvait hier soir contrebalancer l’incarnation brûlante, dangereuse de Karina Gauvin ? Certainement pas les Scylla et Glaucus de cette résurrection.
Faut il croire les historiens du style lorsqu’ils veulent à toutes fins imposer un ténor au timbre blanc ou une soprano de toute petite pointure, présentant par ailleurs des techniques aussi éloignées les unes des autres, pour incarner des héros de tragédie ? Robert Gretchell ne manque pas d’atouts, un bon français, quelques aigus de force, mais ce style si mou, cette vocalise pénible, cet air de ravi de la crèche font regretter le feu – même relatif - d’un Howard Crook, et si Gaëlle le Roi sait se montrer touchante, sa métamorphose sous le poison d’Hécate est hautement improbable. Nicolas Achten doit encore tremper sa basse claire assez attachante, son Licas était de grande venue et permet les espoirs que des gains techniques concrétiseront.
Reste que la soirée fut hantée par la Circée infernale de Gauvin, mais même elle doit progresser, cette fois sur le point de la diction. C’est ce type d’incarnation de grand format qui rendra vie à la Tragédie Lyrique. Un Marc Minkowski les a tentées dans Rameau, pourquoi personne n’ose lui emboîter le pas ?
Jean-Charles Hoffelé
Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair, Opéra Royal du Château de Versailles, le 27 septembre et le 29 septembre.
Photo : DR
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