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Montpellier - Compte-rendu : un Tristan grisâtre
L’histoire de Tristan et Yseult n’est certes pas d’une gaîté folle. Faut-il pour autant ne le représenter qu’en grisaille ? A Paris, déjà, l’an passé, la vision de Peter Sellars surmontée des élucubrations cinématographiques de Bill Viola, était noirâtre. Mais quand Isolde s’appelle Waltraud Meier, sa voix se charge de somptueuses couleurs. A Montpellier, la musique est aussi grise que la vision de Georges Lavaudant et de son décorateur Jean-Pierre Vergier. Ciel et mer sont plombés : la mort l’emporte largement sur l’amour. Ce qui explique sans doute que le public venu nombreux à l’Opéra Berlioz pour cinq heures et demie de spectacle, se soit éclipsé rapidement après avoir applaudi mollement.
C’est à peine si l’entrée de Georges Lavaudant a été émaillée de quelques huées timides. Question d’habitude sans doute, car le directeur de l’Odéon à Paris n’a rien fait pour mériter ce déshonneur. Si l’on peut lui adresser un reproche, ce serait plutôt de n’en point faire assez ! Il avait prévenu dans diverses interviews : pour lui, un chanteur n’est pas un acteur. Dont acte. Ça n’est peut-être pas pour autant une potiche. Soyons juste : ce reproche vaut pour les deux premiers actes, mais pas pour le troisième où, pour un mourant, Tristan mouille sa chemise. L’idée de décor pour cet acte ultime est assez belle : les sillons d’un vaste champs vont peu à peu se transformer en vagues marines grâce à des projections qui ne sont, hélas, pas toujours infaillibles.
La technique a d’ailleurs trahi à plusieurs reprises lors de la première les intentions des scénographes. Leur volonté louable d’éviter tout réalisme n’a pas eu que des résultats heureux : ainsi, hésite-t-on au premier acte entre planisphère et immensité marine. Du navire, ne reste qu’une écoutille qui évoque davantage un sous-marin. Le plus beau duo d’amour du répertoire ne les a pas davantage inspirés dans le nocturne du deuxième acte fort peu poétique.
A la musique de faire sourdre la magie. Mais pour ces héros hors temps et hors norme, il faut des formats trop rares. La distribution fort honorable ne réunit guère que des pointures moyennes à l’exception du formidable Roi Marke du Chinois Xiaoliang Li. Le ténor américain Richard Decker campe un Tristan sans charisme. L’Allemande Hedwig Fassbender a du style, mais elle appartient à cette catégorie de mezzos qui rêvent de sortir des emplois que leur tessiture naturelle leur désigne. On a entendu le résultat dans une résistible mort d’Isolde vraiment à bout de voix.
Toute l’énergie scénique et vocale du grand baryton allemand Wolfgang Schöne est impuissante à masquer les outrages du temps sur son timbre dans le rôle de Kurwenal. Sans être la Brangäne du siècle, Nora Gubisch souffre d’une trop grande parenté vocale avec Isolde. Les petits rôles sont très soigneusement tenus.
L’Orchestre National de Montpellier ne démérite jamais. Sans doute, ne demanderait-il qu’à être soulevé par les vagues de la passion, mais son patron Friedemann Layer est surtout attentif à ne pas couvrir les solistes. La timidité et la discrétion ne sont pas des vertus wagnériennes.
Jacques Doucelin
Montpellier, Opéra Berlioz, le 5 octobre. Les 8 et 11 octobre. Tél : 04.67.601.999.
Programme détaillé de l’Opéra de Montpellier
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Photo : DR
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