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Toulouse - Compte-rendu : Le Faust de Fénelon : tempête sur un crâne
De ce Faust d’après Nikolaus Lenau, quatrième opéra de Philippe Fénelon, 55 ans, commandé et créé par le Capitole de Toulouse, on sort la tête pleine d’images. C’est ça la poésie. Mais l’opéra ? C’est assurément le mouvement, puisqu’on le nommait jadis « action » qui deviendra le mot magique du VIIe art ! Par compensation, peut-être, Fénelon vient de se convertir au cinéma… Sa superbe musique pour les « Elégies de Duino » de Rilke atteste sa veine poétique. Sa conception de l’opéra reste plus traditionnelle. On le sait depuis la création de son deuxième opéra Salambô à l’Opéra Bastille : des airs, des chœurs, de l’action en lieu et place des contorsions conceptuelles à la mode d’aujourd’hui.
Son Faust qui se réfère au poème de Lenau veut rompre avec la légende de Marguerite, fille du peuple séduite et abandonnée par le vieux Docteur saisi par un démon de minuit nommé Méphisto. Chez Lenau aussi le pacte avec le diable subsiste, mais exit Marguerite… remplacée subito par une petite Annette : à défaut des bijoux de la séduction, les coloratures sont sauves ! La saison dernière, on avait déjà eu droit à un autre Faustus, the last night de notre autre quinqua lyrique sympa, Pascal Dusapin, qui lui aussi coupait les ponts avec Goethe, Berlioz et autre Gounod.
A Toulouse, c’est l’ancien décorateur allemand Pet Halmen qui s’est chargé d’illustrer le propos de Fénelon. Il signe tout : décor, costumes, lumières…Un décor unique sous forme de sept variations sur le crâne, véritable lieu géométrique des sept tableaux qui composent les deux actes de ce Faust. Faust et Méphisto se succèdent sur son sommet. Même la première scène, une dissection digne de Wozzeck, se déroule sur le champ clos du symbole de la mort : tempête sur un crâne. C’est dire si tout est figé – impossible de faire le moindre écart sur cet espace exigu au risque de tomber ! – Faust est un intello qui réfléchit et traque la vérité avec un grand V sans trop voir le monde et surtout les femmes qui l’entourent. Il tuera un duc et finira par se suicider pour échapper à son démon.
Pour faire de ce nouveau Faust une « action scénique » véritable, il eût fallu l’animer par le cinéma et non la figer par des images quasiment fixes. Bien des virtualités du texte n’ont même pas été utilisées : la tempête marine se déroule dans les rayons d’une bibliothèque bien évidemment immobile parce qu’imaginaire, la procession nocturne fait du surplace … Surtout, les intermèdes orchestraux, à l’orgue ou à l’aide d’une bande électronique appellent vainement une mise en images qui ne vient jamais. On sait aujourd’hui que le cinéma peut sauver le monstre mi opéra, mi symphonie qu’est La Damnation de Faust de Berlioz ! Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour Fénelon prendra la caméra pour tirer un film opéra de son Faust…
Le chef allemand Bernhard Kontarsky est parfait dans la fosse. Vocalement, on salue la distribution solide avec notamment dans le rôle titre le ténor allemand Arnold Bezuyen, le Français Gilles Ragon dans celui de Görg, la Suédoise Karoline Andersson aux coloratures aussi lumineuses qu’ajustées, et le diable impressionnant du baryton américain Robert Bork. Les chœurs du Capitole ont fait un tabac et c’est justice.
Jacques Gonnin
Capitole de Toulouse, 29 mai 2007
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Photo : DR
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