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Strasbourg - Compte-rendu : Idoménée à l’Opéra du Rhin - Tempête sous un crâne
Pour le metteur en scène François de Carpentries, les personnages d’Idomeneo sont sans cesse ramenés au même point et finissent confrontés à leurs propres démons. Illustration de ce conflit, semblable à une spirale sans fin, une immense carapace de nautile, qui s’ouvre ou se ferme sur la mer, avec une clôture évoquant une civilisation guerrière, constitue le décors d’une production réussie.
La version retenue est celle de Vienne (1786) et le personnage d’Idamante revient donc à un ténor. Choix des plus judicieux dans une conception qui conduit à des rapports de force d’une grande intensité entre Idomeneo et Idamante - d’une sauvagerie extrême, leur première rencontre laisse Idamante complètement désemparé. La lumière joue ici un rôle de tout premier plan et souligne avec intensité les sentiments qui traversent chaque personnage. De superbes bleus pastel pour Illia et Idamante. Des rouges incandescents, comme la robe qu’elle porte, pour illustrer la rage sanguinaire qui habite Elettra, et des mauves électriques pour Idomeneo.
Racé et d’une grande transparence, le Mozart de Theodor Guschlbauer coule avec une grande limpidité, tout en conservant de la profondeur grâce à des cors puissants mais sans lourdeur. La petite harmonie vient parer de couleurs sucrées un quatuor léger et soyeux où rayonne le superbe violon concertant de Michel Demagny. L’Idomeneo de Kobie van Rensburg possède l’aura et la force du personnage, qui passe alternativement de l’abattement à la révolte contre une promesse inconsidérée. La voix est ample et généreuse, les vocalises parfaites, d’autant que l’on donne ici la version munichoise du « Fuor del Mar ».
Sébastien Droy campe un Idamante dont le timbre se marie à merveille avec celui de Van Rensburg. Souplesse, belle conduite de la ligne, articulation élégante : le ténor exprime, avec justesse, les doutes entre passion et amour filial qui torturent cette âme juvénile jusqu’au lieto fine conclusif. Si l’on ne devait retenir qu’un seul instant de cette prodigieuse interprétation, ce serait l’aria « Non temer amato bene » avec violon obligé, écrit pour Vienne, où le timbre suave de l’excellent ténor et le violon enchanteur de Michel Demagny vous transportent sur une autre planète.
Mireille Delunsch (photo) interprète une Elettra tourmentée par son passé, dont la haine vengeresse pour les Troyens finira par la détruire et la plonger dans les affres de la folie. La voix magnifiquement conduite, aux aigus tranchants, lui permet de donner de ses deux arias une interprétation remarquable - le célèbre « d’Oreste, d’Aiace », chanté avec une déraison furieuse, rend le renoncement d’Idomeneo d’autant plus émouvant. Sophie Karthäuser, ex-jeune voix du Rhin, incrane une Illia de rêve. Timbre lumineux, aux aigus d’une infinie douceur, ligne de chant jamais heurtée, elle forme avec Sébastien Droy, un couple aux couleurs vocales idéalement assorties, ce qui est assez rare de nos jours pour être signalé.
Idéalement préparé par Michel Caperon, le chœur témoigne d’une belle homogénéité et sait ce que chanter piano veut dire.
Bernard Niedda
Opéra National du Rhin, Strasbourg, le 18 novembre/ Prochaines représentations, les 2 et 4 décembre 2007 à Mulhouse.
Programme de l’Opéra National du Rhin
Photo : Alain Kaiser
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