Journal

Paris - Compte-rendu : Aldo Ciccolini – Un serviteur en majesté

Quelle extraordinaire semaine pour le piano à Paris que celle qui vient de s’écouler et ce grâce à un Aldo Ciccolini au sommet de son art dans un récital au Théâtre des Champs-Elysées et un concert avec l’Orchestre National de Montpellier et Lawrence Foster(1), à Pleyel.

Avec la Sonate D. 960 de Schubert, Aldo Ciccolini retrouvait un ouvrage depuis très longtemps inscrit à son répertoire. Quelle intime connaissance en faut-il pour parvenir au fabuleux voyage poétique dans lequel le pianiste nous entraîne ! Aucun hiatus, comme cela se produit si souvent, entre les deux premiers et les deux derniers mouvements. On reste émerveillé par la cohérence et la fluidité de l’ensemble. A d’autres le pathos, l’emphase et la pseudo-métaphysique : la musique respire ici avec un naturel qui est l’expression de l’absolue humilité de l’interprète. « Je ne suis qu’un serviteur », aime à dire Ciccolini…

Un serviteur qui donnait à véritablement réentendre les Tableaux d’une Exposition. Dès l’énoncé, très subjectif, de la Promenade initiale, on comprend que cette interprétation ne sera pas pareille aux autres. Une progression dramatique d’une rare intelligence sous-tend la conception d’un artiste dont les moyens digitaux, à 82 ans, ne laissent de surprendre. Ils ne servent toutefois qu’à cultiver les atmosphères changeantes, les caractères, d’une partition archi-rebattue dont Ciccolini exprime la poésie avec un émerveillement incroyable. Grande leçon de musique et de piano…

Elle s’est poursuivie samedi à Pleyel où le pianiste retrouvait l’Orchestre National de Montpellier et Lawrence Foster pour un copieux programme concertant : Double Concerto de Poulenc, 4ème Concerto de Saint-Saëns et Concerto de Schumann – vous avez bien lu ! Aux côtés du jeune Gabriele Carcano, parfaitement en phase avec ses intentions, Ciccolini signe un Poulenc savoureux, acéré et pince-sans-rire dans les mouvements vifs, tandis que le Larghetto, pris dans un tempo large, se fait magique et impalpable. Seule réserve : l’accompagnement assez prosaïque des musiciens montpelliérains.

Ils se montrent plus convaincants dans le 4ème Concerto de Saint-Saëns que Foster emporte d’un geste généreux. Le soliste explore avec une palette sonore et une santé digitale tout simplement phénoménales une foisonnante partition qui se range parmi les plus grands concertos de piano français du répertoire. On en prend toute la mesure avec un tel interprète...

Quelle merveille enfin que le Concerto de Schumann sous les doigts d’un Ciccolini dédaigneux de tous les effets virtuoses. Plus qu’à un dialogue, c’est à une vraie étreinte poétique avec l’orchestre que l’on assiste : les interprètes touchent ici à ce qui fait l’essence profonde d’une partition qu’il n’est pas tous les jours donné d’entendre menée de façon aussi cohérente et équilibrée. Standing ovation et deux bis schumaniens à fondre de beauté et de tendresse.

Alain Cochard

Récital le 1er avril au Théâtre des Champs-Elysées / Concert avec l’Orchestre National de Montpellier, dir. Lawrence Foster, Gabriele Carcano (2ème piano), le 5 avril 2008 à la Salle Pleyel

(1) Signalons que Lawrence Foster prendra la direction musicale de l’Opéra de Montpellier et de l’Orchestre National de Montpellier à partir de la saison 2009-2010

Programme du Théâtre des Champs-Elysées

Programme de la Salle Pleyel

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles