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Paris - Compte-rendu : Florez et Villazon au TCE - « Les Deux Ténors »
On connaissait les "Trois Ténors" et voici que nous arrive un nouveau concept : les "Deux ténors". Après les avoir accueillis en solo, les Grandes Voix
avaient choisi d'unir le temps d'un concert - et pour clore leur saison - Juan
Diego Florez et Rolando Villazon, artistes lyriques nés en Amérique du sud, dont
les carrières internationales sont très certainement les plus médiatisées du
moment. Rien d'étonnant que dans ce contexte la salle du TCE ait été comble et
acquise avant même que l'un des chanteurs n’ait ouvert la bouche.
Après une ouverture des Capuleti e i Montecchi de Bellini exécutée sans grâce,
ni légèreté par le Prag Philharmonia, conduit par le jeune maestro italien
Michele Mariotti, les deux vedettes ont correctement interprété le duo
"Deserto è il luogo"( Romeo était chanté par Florez, Tebaldo par Villazon), au cours duquel les prétendants se disputent avec véhémence l'amour de Giulietta.
Eternel adolescent, sage et discipliné, Florez a déployé un chant sans tâche,
suave et mélodieux, piqueté d'aigus aisés, qui se mariait sans accroc au timbre
plus sombre de Villazon, dont le registre élevé est cependant apparu nettement
réduit.
L'air de Romeo et Juliette de Gounod "Ah lève-toi soleil" abordé pour la
première fois par Florez, a permis de vérifier les progrès réalisés par le
ténor, dont le français était hier encore hésitant, visiblement heureux
d'inscrire ce morceau à son répertoire. Joliment timbré, mais quelque peu étroit
malgré des aigus clairs et tenus, le ténor a reçu une ovation sans aucun doute
surdimensionnée, avant de laisser la place à son collègue mexicain.
Avec "Ô souverain " extrait du Cid, Villazon a pris des risques, la
tessiture imposée par Massenet étant large et basse, mais l'artiste a toujours
aimé chanter avec son coeur et ses tripes. Le résultat n'a pas été
catastrophique, mais la couleur un peu grise de son instrument, l'aigu hasardeux
et l'élocution française douteuse n'ont que faiblement convaincu.
Après un "Pas de six" issu de Guillaume Tell, joué avec lourdeur et peu de
distinction, les deux ténors se retrouvaient pour le grand duo "Ah vieni" de
l'Otello rossinien. Avec son allure de premier de la classe, Florez a su mettre
à profit sa vélocité, en vocalisant avec sûreté et goût, et faire valoir son
registre aigu très sollicité par le rôle-titre, à la satisfaction générale. Se
sachant plus limité dans les extrapolations demandées à Rodrigo, Villazon a
préféré faire rire la salle en cherchant à maintenir les graves et en insistant
sur ce qui le différencie aujourd'hui de son confrère, à savoir une assise plus
centrale et une couleur plus "barytonale", bien que ses vocalises aient été
habilement négociées.
Après cette contribution au bel canto et à l'opéra français, les chanteurs ont
proposé un florilège de mélodies sud américaines, pour mieux parler de leurs
racines et des musiques qui les ont accompagnés depuis leur enfance. Florez a
chanté avec une facilité désarmante la délicate Estrellita de Ponce, mais avec
peu de panache Granada de Lara, où l'on attend moins de réserve et de
raffinement, Jurame de Maria Grever et El dia que me quieras de Gardel et Le
Pera, plus ouvertement mélancoliques, revenant à Villazon, qui a pu mesurer,
malgré ses incertitudes vocales, le capital de sympathie dont il dispose auprès du
public parisien. Quelques chansons en duo ont refermé ce programme fortement
acclamé, qui s'est conclu après trois rappels attendus, un « Amici miei » de La
figlia del regimento, parfaitement huilé par Florez, un air tiré d'une zarzuela
où la fatigue de Villazon transparaissait, pourtant salué par une standing ovation,
avant un dernier duo coloré et sirupeux où Florez a tenu le rôle de l'agneau et
Villazon celui du loup.
François Lesueur
Théâtre des Champs-Elysées le 8 juillet 2008. Concert des ténors Juan Diego Florez et Rolando Villazon.
Photo : DR
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