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Paris - Compte-rendu - Janowski l'éleveur d'orchestre
Peut-on s'aventurer sagement dans le Concerto pour piano de Schumann ? La question vaut d'être posée après l'interprétation aussi prudente que consensuelle que vient d'en donner Nikolaï Luganski avec Marek Janowski et son Orchestre de la Suisse Romande. Une telle retenue confine à la grisaille; un tel refus de s'engager vaut péché d'indifférence. Certes, le style est là. Mais le poète tragique qu'est Robert Schumann est joie et douleur, eau et feu, mais jamais formalisme stérile !
Qu'un jeune pianiste débutant se montre prudent, intimidé par le chef-d'oeuvre, peut se concevoir. Arrivé à la maturité avec une technique aussi irréprochable qu'efficace, le pianiste russe a le devoir d'oser. Et ce soir-là, il s'est contenté d'accompagner l'orchestre : peu glorieuse inversion des rôles ! D'autant que Janowski qui connaît son Schumann comme personne, sait d'instinct soutenir son soliste sans jamais l'écraser. Luganski aurait pu, du reste, lui faire confiance pour donner de la souplesse au début des deux mouvements extrêmes, ce qui lui eût évité de courir la poste bien inutilement en savonnant au passage les accords initiaux par manque d'articulation. Ce piano aseptisé et monochrome a soudain pris de jolies couleurs avec le bis consacré à Rachmaninov... Un peu tard tout de même. Dommage pour Schumann.
L'orchestre n'a pas paru au mieux de sa forme avec quelques accidents du côté de l'harmonie et des sonorités vinaigrées chez les premiers violons... Il s'est néanmoins rassemblé autour de son chef après l'entracte pour une impressionnante Symphonie alpestre de Richard Strauss. Dieu sait si cette pièce monumentale peut être un pensum. Marek Janowski est l'un des rares à savoir l'alléger pour en faire jaillir ce sentiment de la nature si cher aux romantiques allemands. En digne successeur de Wolfgang Sawallisch et dirigeant par coeur, il nous a fait entendre, au-delà du pittoresque des cloches de vaches, la parenté spirituelle de Strauss avec Mahler lorsque l'un et l'autre s'élèvent vers les sommets des montagnes qui leur sont chères. Plus qu'un grand chef, un éleveur d'orchestre dont on ne peut que regretter qu'il ait quitté la France...
Jacques Doucelin
Salle Pleyel, 6 mars 2009
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Photo : DR
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