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Compte-rendu - Orphée aux enfers au Festival d’Aix - Un vaudeville rajeuni
Entre l’immolation de Brunnehilde à la fin du Ring et les exigences tyranniques de Neptune dans Idoménée, il fallait bien un petit coup de gaudriole avec ce bon Jacques Offenbach pour dérider un peu le public du Festival d’Aix-en-Provence. C’est la mission confiée à cet Orphée aux enfers issu du travail de l’Académie européenne de Musique où se sont préparés ces jeunes professionnels lâchés aujourd’hui dans le grand bain de la cour de l’Archevêché sous la baguette d’un vrai chef pédagogue, Alain Altinoglu, et sous la houlette d’Yves Beaunesne, un metteur en scène qui a l’expérience des jeunes chanteurs comme il l’a démontré cet hiver avec un remarquable Cosi fan tutte de Mozart au Théâtre de l’Athénée.
Le moins drôle à l’entracte n’était pas la mine déconfite des thuriféraires d’Offenbach, qui savent naturellement mieux que lui ce qui lui convient. Pensez donc, le vieux texte de Crémieux et Halévy a été épousseté… sans leur aval. Tu parles ! Qui saisirait encore en 2009 – à part quelques historiens spécialistes du Second Empire et pas forcément amateurs d’art lyrique – les allusions fines aux ragots de la cour des Tuileries ? Le public lui ne s’y trompe pas qui rit sans barguigner à ces gags et à ces portes de placards de cuisine qui claquent en mesure. L’essentiel n’est-il pas de saisir qu’Offenbach s’amuse d’abord pour lui-même et de lui-même avec une ironie féroce et dévastatrice ? Tout le monde en prend pour son grade, des solennités himalayennes du chef-d’œuvre de Gluck qui hante ici le Mozart des Champs-Elysées, aux hommes politiques en passant par la presse qu’Offenbach relooke merveilleusement en ubuesque « Opinion Publique »… toujours d’actualité !
Et la citation cocasse fait partie de l’attirail de l’humour musical qu’il manie comme personne. Les jeunes interprètes ont appris à faire leur alliée de cette dynamite. Parfois, le metteur en scène use certains gags jusqu’à la corde. Ainsi du toujours drôle John Styx, le gentiment caricatural Jérôme Billy en serviteur zélé mais amnésique de Pluton, qui se perd dans un numéro un peu longuet d’imitation de chanteurs de toute provenance, Brel et Johnny compris. Mais en général la mécanique fonctionne sans se gripper. Vocalement, la distribution est inégale, mais tire avantage de cet inconvénient même : par exemple, si l’une ou l’autre semble plus faible de ramage, son plumage redore promptement son blason et vice versa. Tout le monde possède des qualités que nos artificiers savent saisir au vol et au mieux des intérêts bien compris de tous, public inclus.
Eurydice, alias Pauline Courtin, a la voix piquante… c’est peut-être le venin du serpent qui lui donne cette acidité, allez savoir ? C’est pour sûr une divette qui joue à ravir et fait tourner les cœurs et les corps. Jupiter de solide prestance, Vincent Deliau paraît d’abord faible de constitution vocale, mais fera un superbe numéro de mouche amoureuse. Son Amazone de fille Diane, Soula Parassidis, chasse parfois loin de ses notes, mais campe une pimbêche crédible. Quant au berger Pluton, l’excellent Matthias Vidal, c’est un vrai boute-en-train qui parle et chante juste, ce qui est plus rare ! Il fait la nique à son cousin Jupin de l’Olympe aux Enfers. Cupidon, Emmanuelle de Negri, trompe son monde, car s’il paraît lourd, sa voix est aussi agile que son corps râblé est délié dans le cancan final ! L’Opinion Publique de Marie Cautrot se prend pour Super Nanny avec drôlerie. Enfin, l’Orphée de Julien Behr joue les cocus de l’Olympe avec une louable persévérance.
A la première, le chef s’est battu avec le col empesé de la Camerata de Salzbourg qui avait du mal à distinguer entre Le Beau Danube bleu et un galop français : à la fin de la soirée, tous ont rompu l’armure des préjugés. Nul doute que la sauce ne va cesser de monter au fil du mois avec la bonne humeur communicative.
Jacques Doucelin
Offenbach : Orphée aux enfers - Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, le 5 juillet 2009, puis les 8, 9, 11, 14, 16 18 et 20 juillet (à 22 h).
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Photo : E. Carecchio/Festival d’Aix-en-Provence
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