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Compte-rendu : Quand le répertoire a du bon - Don Carlo à l’Opéra Bastille
Il y a des productions que l'on ne se lasse pas de revoir : c'est le cas de ce Don Carlo conçu par Graham Vick sous l'ère Gall (1998), repris par Gerard Mortier (2008) et aujourd'hui par Nicolas Joel. Une mise en scène respectueuse et cohérente qui traite avec pertinence des conflits liés au pouvoir, que celui-ci soit d'origine politique, morale, sexuelle ou religieuse - mais direction d'acteur assez plate - , le tout baignant dans une atmosphère délétère où l'air est aussi rare que le soupçon répandu.
Dominants et dominés s'affrontent avec rage dans un décor austère, qu'il dépeigne la sphère publique ou privée, accordé aux codes, à l'étiquette et aux moeurs alors en vigueur à la cour d'Espagne. Répartis sur un échiquier invisible, les personnages mus par des aspirations divergentes, semblent manipulés et devoir ainsi échapper inexorablement à leur destin, sous le poids écrasant d'une croix catholique.
Aux commandes de ce qui est sans doute la plus grande partition verdienne, Carlo Rizzi, qui succède au fougueux Teodor Currentzis, réalise un très beau travail. Sa direction incisive, à la fois tendue et nuancée, la densité de ses phrasés et son sens de la respiration rendent parfaitement justice à cette grande arche musicale et dramatique.
Dans le rôle-titre on retrouve avec bonheur le lumineux Stefano Secco, interprète subtil, engagé et créatif, dont le timbre de voix profondément latin, l'impeccable diction et l'aisance vocale en font l'un des meilleurs Infant de son temps. Le couple qu'il formait avec Tamar Iveri (Elisabetta) en 2008 manquait d'éclat. Sondra Radvanovsky, soprano puissante à l'émission contrôlée et aux piani de chair, lui donne une réplique de choix ; cette verdienne déjà entendue dans Il Trovatore et I Vespri siciliani délivrant un mémorable "Non pianger mia compagna" au 1er acte. Luciana D'Intino ne fait pas dans la dentelle mais son Eboli a du cran, comme le Philippe II de Giacomo Prestia et le Grand Inquisiteur de Victor von Halem, qui n'ont aucun mal à faire oublier James Morris (usé) et Mikhail Petrenko (trop frêle). Dans Posa enfin, Ludovic Tézier remporte un triomphe mérité dans un rôle dont il assume toutes les contradictions et qu'il chante avec élégance et sensibilité d'une voix pleine et posée (inoubliable "Per me è guinto il di supremo") comme il en existe peu à l'heure actuelle. On en redemande !
François Lesueur
Guissepe Verdi : Don Carlo – Paris, Opéra Bastille, le 11 février, puis les 17, 20, 24, 27 février et les 2, 5, 8, 12 et 14 mars 2010
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Photo : Opéra national de Paris/ Agathe Poupeney
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