Journal
Autour des Sonnets de Shakespeare - 3 questions à Charles di Meglio, comédien et metteur en scène, fondateur de la compagnie Oghma
Remarqué pour sa mise en scène de Phèdre et Hyppolite au Théâtre du Tambour Royal en 2008 - une étonnante rencontre du théâtre de Racine et de la musique de Bach -, Charles di Meglio signe un nouveau spectacle avec la Compagnie Oghma autour des Sonnets de Shakespeare, un voyage poétique et musical au cœur de l’Angleterre élisabéthaine. Passionné par les rapports entre scène et musique, le jeune comédien et metteur en scène répond à concertclassic.
Quels sont les principaux axes du travail de la Compagnie Oghma ?
Charles di Meglio : La Compagnie Oghma est née en 2006. Nous avons débuté avec la Salomé d’Oscar Wilde, que j’avais montée, puis nous avons donné plusieurs autres spectacles avec un metteur en scène invité, suivis de Phèdre et Hyppolite en 2008. Il s’agit là pour moi du spectacle fondateur de la compagnie telle qu’elle existe aujourd’hui, singularisée par ses recherches sur le baroque, sur la prosodie baroque influençant notre prosodie moderne, sur la prononciation baroque dite « restituée » et, surtout, sur la corrélation entre musique et texte. Nous essayons de faire un travail musical sur le texte et d’en élargir la portée en utilisant la musique. Dans le cas de Phèdre, il n’était guère besoin de rajouter beaucoup de choses. L’idée m’était venue un peu par hasard de mettre des extraits de la Passion selon Saint Matthieu de Bach en regard de la pièce de Racine et je me suis rendu compte de résultat assez formidable que produit la rencontre de textes et de musiques baroques. Pour Phèdre et Hyppolite nous avons créé l’EBO, l’Ensemble Baroque Oghma, rattaché à la compagnie. Notre but avec cette formation est de nous interroger sur les rapports entre scène et musique.
Comment est né le projet autour des Sonnets de Shakespeare ?
C. D. M. : Je rêve de monter Roméo et Juliette de Shakespeare, avec des hommes uniquement comme cela se pratiquait à l’époque, mais c’est un projet trop lourd pour l’instant et l’envie de travailler sur Shakespeare m’a conduit à m’intéresser aux Sonnets. Je les connaissais déjà assez bien – je me souviens qu’en terminale je les lisais en cachette pendant mes cours de philo. Comme celle de Racine, l’écriture de Shakespeare est de la musique et quand je lis les textes en anglais j’ai l’impression d’être face à une partition. Le rapprochement avec la musique de l’époque fonctionne très bien, notamment avec celle de Hume. J’ai été bouleversé par ce musicien lorsque je l’ai découvert. Il y beaucoup de Hume dans ce spectacle ; on trouve dans ses œuvres la même folie que dans l’écriture de Shakespeare. J’ai aussi retenu des pages de Ferrabosco, Dowland ou Cutting ; dans tous les cas des pièces qui me touchent en tant que metteur en scène et comédien et permettent d’établir une corrélation avec les poèmes.
Selon quels critères avez-vous sélectionné les sonnets autour desquels s’organise le spectacle ?
C. D. M. Le choix s’est fait très simplement. Une fois que j’ai eu l’idée du spectacle, j’ai pris les 126 premiers sonnets (adressés à un jeune homme inconnu) et ai sélectionné ceux qui me touchaient le plus. Quatorze textes au total que j’ai ordonnés de façon à pouvoir « raconter une histoire » qui se termine par la séparation du poète et du jeune homme. J’ai fait cette sélection à partir du texte original. Les traductions françaises disponibles ne me plaisent guère. Certaines ne sont pas mauvaises, mais me semblent trop lourdes à dire ; aucune ne possède le rythme spécifique du vers élisabéthain. J’avais besoin de cette musique et c’est ce qui m’a amené à traduire les textes dans un rythme particulier, tout en essayant en plus d’utiliser une langue que Shakespeare aurait pu utiliser, eût-il parlé français. En même temps que je traduisais, j’écrivais presque des partitions pour avoir le rythme et je vérifiais l’étymologie des mots pour m’assurer qu’ils n’étaient pas apparus en français après 1609, date de parution des Sonnets.
J’ai souhaité un spectacle très sobre, très intime, sensuel et sensoriel, pas du tout intellectuel, afin que les musiciens et moi-même ne soyons que le véhicule de la poésie et de la musique.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 5 mai 2010
« TO.THE .ONLIE. BEGETTER»
Autour des Sonnets de Shakespeare
Œuvres de Hume, Dowland, Cutting, Ferrabosco
Charles di Meglio, traduction, direction et déclamation
Marie-Suzanne de Loye et Mélusine de Pas (basses de viole)
Simon Waddell (luth)
22 mai 2010 – 19h
Eglise Réformée de Pentemont-Luxembourg
106, rue de Grenelle, 75007 ( M° Solférino)
Rés. : oghmium@compagnieoghma.com / tel. 06 25 04 51 16
Pour en savoir plus sur la Compagnie Oghma : www.compagnieoghma.com
> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?
> Lire les autres articles d’Alain Cochard
Photo : DR
Derniers articles
-
07 Novembre 2024Laurent BURY
-
06 Novembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
06 Novembre 2024Michel ROUBINET