Sibelius savait qu’en dirigeant Kullervo dans la Grande Salle de l’Université d’Helsinki, le 28 avril 1892, il dotait la Finlande d’un fulgurant manifeste nationaliste. Ses armes n’étaient pourtant pas politiques, mais culturelles. En choisissant l’un des personnages principaux du Kalevala il marquait au fer rouge une création musicale locale jusqu’alors écartelée entre influences russes et allemandes. Mais Sibelius eut-il conscience qu’il devrait attendre la 3e Symphonie pour parler à nouveau une langue d’orchestre aussi moderne que celle mise en œuvre dans cette inclassable épopée, symphonie narrative, opéra sans décor autre que musical, poème-roman, tout un univers en tout cas, et qui n’en finit pas de fasciner ?

Depuis que Paavo Berglund a réinventé l’œuvre par le disque en l’enregistrant avec l’Orchestre Symphonique de Bournemouth (une version jamais égalée), Kullervo a connu une impressionnante fortune phonographique. Paavo Järvi a décidé d’ouvrir sa première saison en tant que Directeur musical de l’Orchestre de Paris avec cette partition-manifeste qu’il a d’ailleurs lui aussi gravée (1). En la couplant avec le chef d’œuvre de Dukas, La Péri, il déclare ouvertement son intention de remettre également la musique française au cœur de sa programmation.Ce doublé aussi détonnant que révélateur laisse décidément curieux. On y sera !

Jean-Charles Hoffelé

(1) Sibelius : Kullervo - Randi Stene, Peter Mattei, Chœur d’Estonie, Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm, Paavo Järvi (1 CD Virgin 5452992)

Jean Sibelius : Kullervo
Dukas : La Péri
Chœur de National d’hommes d’Estonie
Chœur de l’Orchestre de Paris
Orchestre de Paris, dir. Paavo Järvi
Salle Pleyel
Les 15 et 16 septembre 2010

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