Les interprétations mahlériennes se suivent et se ressemblent peu. Après la déception ressentie à l’écoute de la 4ème Symphonie par l’Orchestre du Théâtre Mariinsky dirigé par Valery Gergiev à Pleyel (le 13 déc.), le concert de Mariss Jansons et de ses musiciens de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise remet les pendules à l’heure. Intelligent, le programme associe Mahler et Chostakovitch ; on sait combien le compositeur russe vénérait l’auteur du Chant de la Terre.

La Symphonie n°9 (1945), par son caractère à la fois sarcastique et dramatique, en apporte la preuve. Vilipendé par Staline et ses sbires qui désiraient une grande fresque à l’image de la 9ème Symphonie de Beethoven, Chostakovitch prend le contrepied pour livrer un chef-d’œuvre cursif et déroutant (25 minutes), faisant appel à la musique de cirque tout autant qu’à l’élégie triste et poignante. Mariss Jansons (qui a enregistré les 15 Symphonies du Russe) se meut avec autorité et dextérité aussi bien dans le pastiche (Allegro initial, Allegretto-Allegro final) que dans le lyrisme (Largo), conduisant une phalange hors pair (les cordes de la Radio Bavaroise n’ont rien à envier à celles de la Philharmonie de Berlin) sur les chemins les plus escarpés, ceux d’une écriture écorchée, nerveuse et instable.

Même accomplissement dans la 4ème de Mahler. Peu viennoise mais soulevée par un élan d’une justesse de ton presque démonstrative, l’interprétation concilie la verticalité (une analyse très fouillée de la partition) et l’horizontalité (sens de la ligne mélodique et volupté du son). Le lied final, par l’osmose entre le chef et la soprano suédoise Miah Persson – voix d’une pureté et d’une transparence angéliques -, conduit à des hauteurs insoupçonnées. Le public quelque peu clairsemé accueille avec l’enthousiasme qui sied ce concert à marquer d’une pierre blanche.

Michel Le Naour

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 décembre 2010

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