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Compte-rendu : SUISSE / I Puritani au Grand Théâtre de Genève - Le plaisir du chant
C’est ce qui s’appelle un festival vocal. Pas un instant de répit, pas un air qui trahisse une faiblesse d’inspiration en trois heures et demie chez celui qui reste certainement le plus grand mélodiste de l’opéra italien. Gosier de ténor monté sur ressort pour atteindre le fameux contre-fa du finale (record de tessiture en la matière), airs avec chœur, duos de basse et baryton aux trompettes sonnantes et morceau de bravoure avec la fameuse scène de la folie d’Elvira : I Puritani déploie toute la panoplie d’un jeune compositeur en pleine effervescence - dont ce sera le dernier opéra... Pétri de réminiscences belcantistes sur un livret on ne peut plus romantique tiré de Walter Scott, il comble l’exact angle mort entre Rossini et Verdi. Plus tout à fait dans l’autonomie pure du beau chant et pas encore, loin s’en faut, dans le théâtre réaliste, même si l’orchestre tente, ici ou là, comme au début du troisième acte, quelques échappées solitaires. C’est ce qu’a bien compris Francisco Negrin en choisissant de mettre en scène la musique plutôt qu’un livret sur un énième dilemme politico-sentimental pratiquement dépourvu d’enjeux dramatiques. Conscient de « la nature essentiellement vocale de l’œuvre », il en fuit le statisme en multipliant les décors en chambre, passant d’une pièce à l’autre dans une série de travellings qui renouvellent l’attention tout en maintenant la sensation d’enfermement. Les subtiles variations de lumière et la solide direction d’acteur suffisent à trahir l’état de chaque personnage, tirant le meilleur parti du peu de théâtre que génère le livret. La folie d’Elvire envahit jusqu’aux parois du décor avec ses propres mots, avant qu’elle ne se retrouve isolée au finale, devant le rideau, à chanter son amour comme un rêve absurde, dans un salutaire détournement du livret.
Comme chez Bellini, tout ici passe par le chant, et la distribution se révèle des plus homogènes, jusqu’à la formidable mezzo Isabelle Henriquez (Enrichetta), capable de faire exister un rôle en quelques lignes. Alexey Kudrya campe un Arturo flamboyant à la projection splendide, même s’il reste un peu serré dans les aigus quand il s’agit de franchir le mur du son au dernier acte. Belcantiste accompli, Lorenzo Regazzo fait de son « Cinta del fiori » un pur moment de grâce, tout en subtilité, ajoutant les qualités de comédien (et la danse des sourcils !) à une morbidezza irrésistible. Impressionnant d’autorité, Franco Vassalo incarne un Riccardo pur guerrier, sans peur et sans reproche, largement vainqueur aux décibels.
Mais la star de la soirée, c’est évidemment Diana Damrau. Technique irréprochable, fluidité impressionnante, pas la moindre aspérité, elle possède certainement une des voix les plus pures de la scène lyrique. Il lui manque néanmoins peut-être l’abandon et la folie qui lui permettraient de transcender son personnage, à l’opposé d’une Natalie Dessay qui endossera le rôle la saison prochaine à l’Opéra de Lyon sous la direction d’Evelino Pido. La comparaison ne manquera pas d’intérêt. Du côté de l’orchestre non plus. Malgré un cor mal embouché dès l’ouverture ce soir-là, l’Orchestre de la Suisse Romande s’avère une nouvelle fois un parfait compagnon sous la direction ciselée de Jésus López-Cobos, dégageant une atmosphère ouatée, presque irréelle, se payant même le luxe de faire entendre à juste titre de verdiens accents de vent tragique chez les cordes au deuxième acte. Après La Donna del Lago avec Joyce DiDonato et Le Barbier de Séville d’Alberto Zedda en début de saison, le Grand Théâtre de Genève est décidément le meilleur des repaires belcantistes.
Luc Hernandez
Bellini : I Puritani – Genève, Grand Théâtre, le 29 janvier, prochaines représentations les 4, 7, 10 et 13 février 2011. Rens. : www.geneveopera.ch
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