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Il Trovatore au Théâtre des Champs-Elysées - Evviva Verdi ! - Compte-rendu
Même en concert, un titre comme celui-ci fait toujours recette. Absent de nos scènes depuis 2003 (1), ce Trovatore présenté juste avant à Bordeaux dans une mise en scène de Charles Roubaud, était donc attendu, malgré ou à cause de sa distribution sans tête d'affiche.
Donné orchestre en fosse et chanteurs sur scène, dépositaires de quelques consignes scéniques aussi sommaires qu'inutiles, le drame verdien a tenu ses promesses, le souffle de sa musique parvenant à transcender les aberrations d'un livret au contenu improbable. Et c'est là toute la force du compositeur capable d'émouvoir avec les plus belles cantilènes ("Il balen del suo sorriso", "Ah si ben mio", "D'amor sull'ali rosee"), de surprendre avec des accents débordants de vérité crue, tout en vous amenant là où il le souhaite, quitte à vous laisser KO. Sous la battue discrète de Emmanuel Joel-Hornak, l'Orchestre National de Bordeaux Aquitaine a semblé bridé, plus d'une fois avare de couleur et de legato, taillant dans le vif, emporté par sa propre scansion, pour éviter d'entrer dans le détail.
Giuseppe Gipali, un Duc de Mantoue, un Alfredo, qui avait convaincu dans Il Pirata à Marseille en 2009, mais déçu au Châtelet dans Medea (2), n'a pas l'étoffe de Manrico qu'il exécute d'une voix légère et ne fait qu'esquisser du point de vue théâtral, sans faire croire un instant qu'il puisse soulever des troupes et susciter les passions. Un peu trop sûr de lui, mais qui s'en plaindra, Alexey Markov chante le Conte di Luna avec une sobre assurance et un constant cantabile, comme si le rôle était facile, ce qu'il n'est pas, tandis que Elena Manistina (photo) remporte une triomphe mérité avec une Azucena racée (le contraire de Dolora Zajick à la Bastille), tenue et puissante, dont le timbre fuligineux convient à la fameuse zingara.
Elza van den Heever, native de Johannesburg, que les Parisiens pourront retrouver prochainement au Palais Garnier dans Cosi fan tutte (Fiordiligi) égarée dans la tessiture trop large de Leonora, ne trouve aucun espace pour s'épanouir, malgré de louables efforts de style et d'incarnation, l'aigu durci, le souffle court et le contrôle de la ligne relâché à mesure qu’avance la soirée, apportant la preuve incontestable d'une erreur de distribution. Chœur sans aura et comprimari insuffisants (Wenwei Zhang/Ferrando, Eve Christophe-Fontana/Inès et Humberto Ayerbe Pino/Ruiz), au final une soirée inégale sauvée par...Verdi.
François Lesueur
Verdi : Il Trovatore (version de concert), Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 3 mai 2011
(1)Opéra Bastille avec Roberto Alagna et Sondra Radvanovsky, mis en scène par Francesca Zambello.
(2) Dans la production de Iannis Kokkos (avec Anna Caterina Antonacci) vue également à Toulouse en 2005.
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Photo : Askonas Holt Ltd
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