Pour Daniel Barenboim, la musique est comme l’amour : ça se partage et se croque à belles dents. Ainsi du 24ème Concerto pour piano en ut mineur KV 491 de Mozart qu’il offre à ses musiciens de la Staatskapelle Berlin et au public lors de la première des deux soirées qu’il donne salle Pleyel. Sans oublier le bonheur ineffable qu’il prend à en être lui-même le soliste. Mais ce soir, il est en veine de confidence et il a opté pour la conversation chambriste, non pour l’échange brillant qu’autoriseraient pourtant les mouvements vifs du dernier de la trilogie des Concertos maçonniques de Mozart.

Ce qui intéresse le chef pianiste c’est de dialoguer successivement avec sa flûte solo, sa clarinette solo ou son hautbois solo. Il laisse l’orchestre chanter se tenant un peu en retrait. Sauf dans le Larghetto central embué d’une nostalgie poignante où le clavier impose le climat et le tempo. Il n’est pas pour rien l’exact contemporain des Noces de Figaro, l’unique opéra dont Mozart ait réussi à imposer lui-même le sujet – et quel sujet brûlant ! – à son empereur, et que Barenboim présenta naguère à Paris avec son complice Jean-Pierre Ponnelle. Le génie de Mozart y est au zénith, l’homme au faîte de sa gloire, mais au royaume de la musique aussi la roche Tarpéienne est proche du Capitole…

Le ton de la confidence ne sied plus à Bruckner et les appels des cors ouvrent dans la grandeur sa 7ème Symphonie. Mais le chef, libéré par Mozart, débusque toute la musique pure que recèle le chef-d’œuvre de cet autre Autrichien disciple de Wagner. Au filtre de l’intelligence subtile du chef, les lignes chantent et tout devient limpide, même le finale qui avec d’autres tourne souvent en rond…
Une grande soirée de musique par un ogre musicien.

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, le 18 avril 2012.

> Programme détaillé et réservations à la Salle Pleyel

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Jacques Doucelin

Photo : DR