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Une interview de Laurent Campellone – Le grand retour des Barbares
Grand passionné d’opéra français de la seconde moitié du XIXe siècle, Laurent Campellone possède une immense collection de partitions dans lesquelles il aime à se plonger régulièrement - bien rares sont les aspects de la production lyrique de cette époque qui auraient échappé à sa curiosité. C’est sur les rayonnages de sa bibliothèque musicale qu’il avait découvert Le Mage de Massenet dont la recréation à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne l’an passé a fait l’événement, en concert puis au disque. La curiosité du mélomane n’est pas moindre cette année, qui voit la renaissance des Barbares de Camille Saint-Saëns. Le bonheur qu’éprouve Laurent Campellone d’avoir programmé cette partition, totalement oubliée depuis sa création en 1901 à Paris, est palpable.
« Parmi la douzaine d’ouvrages de Saint-Saëns qui ne sont plus donnés, et qui sont pour moi importants, Les Barbares arrivent en numéro un sur la liste. C’est de loin dans les réalisations lyriques des vingt dernières années de Saint-Saëns la plus étonnante et la plus riche. Les responsables de Palazzetto Bru Zane étaient ravis de notre collaboration sur Le Mage. Immédiatement après ce dernier nous avons envisagé le futur et nous nous sommes mis d’accord sur un ouvrage qui me semble certainement aussi important que Samson et Dalila. »
En quoi justement ces Barbares étonnent-ils ?
Laurent CAMPELLONE : Les Barbares datent de 1901 et trois opéras suivront encore. Face à une jeune génération montante, Saint-Saëns veut prouver qu’il a des choses à dire. La Bohème date de 1896, Tosca de 1900, Saint-Saëns a lu les premières œuvres de Puccini ; parmi les deux ombres qui planent sur Les Barbares on trouve d’une part Puccini, de l’autre la musique symphonique de Richard Strauss. Ça reste un opéra très français, mais ces deux ombres planent constamment sur le langage harmonique. L’orchestre joue un grand rôle : sur les deux heures que dure la partition, il y a quarante-cinq minutes de musique purement instrumentale. Chose inédite dans l’opéra français, Les Barbares s’ouvrent par un Prologue avec récitant d’une vingtaine de minutes. Par la forme et par le langage harmonique, Saint-Saëns a la volonté de faire entendre une voix nouvelle dans la création lyrique de son époque. Les musiciens de l’Orchestre de Saint-Etienne ont joué le répertoire français tant et plus, et bien… avec ces Barbares, ils sont surpris ! C’est vraiment une œuvre à part !
Qu’en est-il de la distribution réunie pour cette recréation ?
L.C. : Le Mage nous a confronté à un écueil difficile avec la distribution du ténor ; un rôle vraiment inchantable. Rien de cela dans Les Barbares. L’œuvre est plus courte – une heure et quart de chant seulement – ; l’exigence tient à la puissance vocale face à un orchestre fourni. Les deux rôles féminins présentent des tessitures à peu près comparables et pourraient être distribués de façon presque interchangeable. Mais nous avons pris le parti de donner ces rôles de Floria et Livie respectivement à un soprano et un mezzo (1) afin de montrer déjà par le grain et la nature des voix deux destins différents. En ce qui concerne Marcovir, le chef des barbares, il ne fallait pas tomber dans l’erreur de confier le rôle à un ténor trop dur – ce n’est pas Siegfried. Je voulais quelque chose qui soit proche d’un Werther ou d’un Hoffmann, car il y a ce duo du deuxième acte qui demande une ligne sans faille. Avec Edgaras Montvidas nous disposons d’un ténor vraiment époustouflant.
Où en est votre collaboration avec le Palazzetto Bru Zane ?
L.C. : Le partenariat est bien engagé. Le Mage est le best-seller de leur collection « Opéra français » avec déjà 4000 exemplaires écoulés : un chiffre énorme pour un titre d’opéra inconnu ! Nous en sommes en train de parler des projets des deux prochaines saisons et ils attendent impatiemment Les Barbares. Nous sommes ravis de travailler avec le Palazetto Bru Zane car ce sont des gens qui connaissent leur sujet – on a des interlocuteurs face à soi quand on parle de Benjamin Godard ou de Théodore Dubois par exemple - et avec lesquels ont peut élaborer des projets. Par le travail de Jean-Louis Pichon pendant des années à Saint-Etienne, la musique française constitue l’ADN de cette maison ; le partenariat avec Bru Zane prolonge donc naturellement son histoire. Les choses ne traîneront pas pour la sortie de l’enregistrement des Barbares qui devrait, il me semble, être disponible dès la rentrée prochaine.
Le public français associe avant tout votre nom à l’Opéra de Saint-Etienne, mais vous avez d’autres activités, en Russie entres autres …
L.C. : C’est vrai, depuis deux ans je vais souvent au Bolchoï. Cette collaboration est un vrai coup de cœur… qui dure. Je dirige vingt-cinq dates (La Traviata et Carmen) cette saison, entre mars et l’été prochain. Je passe désormais en moyenne deux mois et demi par an à Moscou.
Par ailleurs, à Paris le 9 avril, je serai à la Salle Favart pour un concert d’airs et duos de Rossini, Auber, Meyerbeer et Halévy, avec Annick Massis et Michael Spyres(1). A la rentrée prochaine j’aurai le plaisir de diriger pour la première fois à l’Opéra de Monte-Carlo : un production de Roméo et Juliette mise en scène par Jean-Louis Grinda. Quant à la période des fêtes, c’est au Barbe-Bleue d’Offenbach que je la consacrerai, au Angers-Nantes Opéra.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 6 février 2014
(1) Catherine Hunold et Julia Gertseva
(2) http://www.concertclassic.com/concert/annick-massis-michael-spyres
Saint-Saëns : Les Barbares
14 et 16 février 2014
Saint-Etienne – Opéra Théâtre
www.operatheatredesaintetienne.fr/otse/
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