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Trois Questions à Nicolas Le Riche - "Le public m'a aidé à devenir moi-même"
Pendant plus de vingt ans, superbe étoile du ballet de l’Opéra de Paris, il a porté haut les couleurs du ballet français. Mais le voici sur le point de le quitter, car le glas des 42 ans a sonné. Une enfance dévolue à la danse, une carrière prestigieuse entamée à 20 ans, avant même sa nomination d’étoile, car Noureev avait compris à quel talent il avait affaire en lui confiant son Roméo, Nicolas Le Riche ferme la porte de sa loge. L’Opéra, qui sait ce qu’il lui doit, lui donne les moyens de le faire en beauté, en une soirée exceptionnelle préparée avec le soin, l’intelligence et la générosité qui caractérisent le danseur. Après une ultime apparition en Quasimodo de Notre Dame de Paris, l’un de ses rôles majeurs. Arrêt sur orbite.
Comment avez-vous préparé votre départ ?
Nicolas LE RICHE : En fait, je ne suis pas malheureux du tout. D’abord parce que même si le public ne le perçoit pas ou me fait la grâce de ne pas le remarquer, le corps à un moment, refuse et stoppe. La réalité est directe, brutale, et l’on ne danse plus sans filet. La danse ne vous traverse plus de façon aussi animale. Mais elle est ma respiration, ma parole et je ne peux m’en passer. J’ai besoin de cet étrange équilibre qui s’instaure entre la scène et la salle, sans jamais rien de mortifère en ce qui me concerne. Je vais donc oublier les projets des autres et m’atteler aux miens propres, en continuant à danser en un spectacle que je constitue avec des chorégraphes que j’admire, comme Angelin Preljocaj ou Russell Maliphant, et avec des amis danseurs, outre ma femme, l’étoile Claire-Marie Osta, qui est, avec nos filles, le pivot de mon équilibre. J’ai déjà présenté ce programme dans plusieurs villes de France et l’accueil a été excellent.
Que ressentez-vous à l’égard de l’Opéra ?
N.L.R. : Uniquement une impression d’harmonie, car partir, c’est se retirer sans avoir un sentiment de propriété, ce qui est dangereux. J’ai été heureux ici, mais je suis heureux de quitter cette maison qui m’a offert un terrain de travail et d’expérience incomparable. J’ai la chance de partir au bon moment, car le projet de la maison a changé et ne coïncide plus avec mon idée de la danse. Mais cela est normal et la perspective de devenir un enfant de la balle est somme toute assez rafraîchissante. Je me sens très vivant, un peu comme un écolier qui ouvre un nouveau cahier, et je reste, par delà toutes les appréciations artistiques, un cuisinier dans sa cuisine. Le savoir faire se construit avec les autres, le partenaire, le chorégraphe, le compositeur parfois. Et là j’ai été gâté, notamment par mon travail avec Mats Ek, pour sa Giselle et Appartement. J’ai besoin du partage.
Une soirée hors norme donc pour vos adieux ? Comment l’avez-vous conçue ?
N.L.R. : Avec de nombreuses facettes et un déroulement très emblématique de ce que représente cette maison pour le public et pour moi. J’y fais intervenir l’Ecole, base de la grandeur et du style de la troupe, dans des extraits du Bal des Cadets et des Forains, j’y incarne une fois encore certains de mes personnages préférés, Le Jeune homme et la Mort de Roland Petit, un pas de deux d’Appartement, de Mats Ek, le Faune de Nijinski, capital pour l’histoire de la danse au XXe siècle, et je finis sur le Boléro de Béjart (photo), majeur pour l’extension de l’aire du ballet. J’y inclus un extrait de mon ballet Caligula, créé pour l’Opéra en 2005, car la chorégraphie m’importe. Enfin j’ajoute quelques surprises qui me font chaud au cœur et parleront je l’espère au public. Car c’est lui, autant que les chorégraphes, qui m’a aidé à devenir moi-même.
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux.
Notre Dame de Paris – Paris, Palais Garnier, du 30 juin au 16 juillet 2014 : http://www.concertclassic.com/concert/notre-dame-de-paris-de-roland-petit
Gala d’adieu, le 9 juillet 2014
L'Opéra de Paris, en association avec UGC et ARTE, diffuse la soirée du 9 juillet en direct en streaming dans le monde entier sur www.concert.arte.tv / Des places gratuites sont également proposées pour assister à la retransmission à Paris dans les cinémas UGC Danton, Normandie et Bercy. Distribution des places (2 max. par pers.) à la biletterie du Palais Garnier, le 7 juillet à partir de 11h30.
« Carte blanche à Nicolas Le Riche » - Paris, TCE, les 4 et 5 novembre 2014
Photo © Philippe Laurent
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