À l’Amphithéâtre de la Bastille, l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris s’associe au Conservatoire national pour présenter Maudits les innocents. Trois ans de travail ont préludé à cette création d’opéra qui réunit quatre jeunes compositeurs (issus du Conservatoire) pour chacun des quatre actes. Le livret, de Laurent Gaudet, conte l’aventure (ou plutôt la mésaventure) de ce qu’on a appelé la « Croisade des enfants », qui voit des gamins de France et d’Allemagne tenter au XIII^e siècle de rejoindre Jérusalem. Une épopée quelque peu affabulée, puisqu’on ne sait trop ce qu’il advint historiquement de cette horde juvénile jetée sur les routes : ici achevée dans le naufrage de bateaux au large de Marseille, après une condamnation papale. On reste donc plutôt dans le message, sur la tolérance et l’innocence…
 
Pour la partition, Mikel Urquiza livre un premier acte bruitiste – héritier assurément du langage de son maître Ramon Lazkano, venu lui aussi d’Espagne – assez artificiel ; quand l’Allemand Julian Lembke tire le meilleur d’une conception opératique à l’acte suivant, et que le Lillois Didier Rotella et le Chilien Francisco Alvarado réservent ensuite de larges moments lyriques.
Parmi les solistes vocaux, venus de l’Atelier lyrique, se détachent l’assurance de Yu Shao et les trois participations féminines : Ruzan Mantashyan, Élisabeth Moussous et Cornelia Oncioiu. Les voix juvéniles de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et du Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris, la douzaine d’instrumentistes du Conservatoire, s’acquittent impeccablement de leur partie sous la battue précise de Guillaume Bourgogne.
La mise en scène de Stephen Taylor anime le tout avec des mouvements bien dosés, face à un sobre mur et des grilles métalliques. Assez remarquable, pour une entreprise audacieuse.
 
Pierre-René Serna
 
Urquiza/Lembke/Rotella/Alvarado : Maudits les innoncents – Paris, Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, Paris, 16 décembre 2014
 
Photo © Mirco Magliocca