Une boule de feu, tel est apparu le jeune chef vedette Yannick Nézet-Seguin, s’employant avec une intelligence suprême à pallier les failles de son Orchestre Philharmonique de Rotterdam, dont il a tout de même bien relevé le niveau depuis qu’il l’a pris en mains en 2008 - il vient d’annoncer qu’il en quittera la direction en 2018. La phalange qui n’a pas les qualités de son grand voisin l’Orchestre du Concertgebouw, n’en est pas moins attisé par ce tempérament hors normes, qui soulève les montagnes et a donné de la 5^ème Symphonie de Tchaïkovski une lecture passionnante, utilisant presque les insuffisances des cordes notamment, pour accroître la tension de cette œuvre si puissamment contrastée.
 
Un tempérament et une gestique impétueux et totalement engagés qui savent se faire de velours pour servir d’écrin au joli piano un peu léger de Rafal Blechacz, dont les grâces chopiniennes se cognent ici sur la falaise brahmsienne. On est habitué à plus de densité, de profondeur sonore pour ce Concerto n°1, écrit certes par un Brahms encore jeune mais déjà maître de son univers grave et harmonieux. Blechacz semble n’y avoir trouvé que poésie éthérée, et l’on a été reconnaissant à Nézet-Séguin d’avoir joué son jeu avec une infinie délicatesse, une écoute digne du grand chef lyrique qu’il sait être, et une discrétion tout à l’honneur du volcanique Canadien. Il sera passionnant de le voir à nouveau à l’action avec le Philadelphia Orchestra, qu’il dirige depuis deux ans, au cours d’une tournée européenne à partir du 21 mai, où il aura pour solistes Lisa Batiashvili, Jan Lisiecki et Emanuel Ax (le 30 mai, à Paris). En encore, la Polonaise d’Eugène Onéguine a enflammé la salle de sa formidable joie de vivre.
 
Jacqueline Thuilleux
 
Paris, TCE, 6 mai 2015.
 
Philadelphia Orchestra, dir. Yannick Nézet-Séguin / Emanuel Ax (piano)
30 mai 2015 – 20h
Paris – Théâtre des Champs-Elysées
www.theatrechampselysees.fr

Photo © Marco Borggreve