Journal
Simon Ghraichy au Festival d’Aix-en-Provence – Hommage au Festival de Baalbeck
Des concerts au musée d’Orsay ou à la salle Cortot ont déjà permis au public français d’entendre Simon Ghraichy. C’est bientôt le Festival d’Aix-en-Provence qui accueille le pianiste dans le cadre d’une soirée en hommage au Festival de Baalbeck.
Père libanais, mère mexicaine : Simon Ghraichy est déjà un citoyen du monde lorsqu’il naît en 1985 à Beyrouth. Juste le temps de se laisser fasciner par le piano qui trône dans le salon familial et de débuter son étude. Bientôt, la guerre civile oblige les Ghraichy à quitter le Liban. Enfance très cosmopolite et voyageuse. Le jeune Simon a une douzaine d’années lorsque ses parents se fixent en France lui offrant la stabilité nécessaire à son développement musical.
Vers 14 ans, il entre au CNR de Boulogne-Billancourt et trouve en Hortense Cartier-Bresson une pédagogue qui l’aide à structurer ses acquis et le prépare à l’entrée au Conservatoire National Supérieur de Paris. A la Villette, Michel Béroff jouera un rôle décisif dans sa formation. S. Ghraichy salue le « travail très minutieux » effectué sous la conduite d’un professeur qui lui a fourni les outils pour « assumer les responsabilités d’une carrière professionnelle ».
La période des études au CNSMDP comporte toutefois une parenthèse finlandaise d’un an. Dans le cadre du programme européen Erasmus, le pianiste part étudier à l’Académie Sibelius d’Helsinski auprès de Tuija Hakkila, dont il a fait la connaissance lors d’une masterclass au Conservatoire. Rencontre marquante pour S. Ghraichy que celle avec une musicienne qu’il décrit comme un « coach de vie ». Après sa sortie du Conservatoire de Paris, le jeune homme éprouvera d’ailleurs le besoin de retourner travailler auprès d’elle à Helsinki pour profiter de ses bénéfiques conseils et de son ouverture à un répertoire très large, du pianoforte à la musique contemporaine.
S. Ghraichy obtient son master du CNSMDP avec mention « Très bien » en 2010. Le récital de fin d’études est pour lui l’occasion de manifester sa singularité avec un programme qu’un des membres du jury désigne d’un rimbaldien « abracadabrantesque ». Cinq Pièces op. 75 de Sibelius, Stimmungsbilder op. 9 de R. Strauss, Réminiscences de Don Juan de Liszt et Quatre Pièces espagnoles de Manuel de Falla : voilà ce qui s’appelle ne pas faire les choses comme les autres ! Sur ce point, le jeune virtuose manifeste en outre un goût très modéré pour les concours internationaux dont beaucoup de collègues raffolent. «J’en ai passé, j’en ai gagné (Rio en 2009, Manuel Maria Ponce en 2010), mais ça n’a jamais été une priorité, confie-t-il. La musique n’est pas compétition. »
Amoureux de la scène, qu’il a fréquentée très tôt et où il se sent « chez lui », S. Ghraichy préfère partager avec le public du concert sa passion pour des compositeurs tels que Liszt, Albéniz, Schumann. « Depuis tout petit, mon obsession a toujours été l’harmonie et la couleur », avoue celui qui se souvient des heures passées, tout gamin, à rechercher des « dissonances jolies » sur le clavier.
Couleur, sens harmonique, on ne étonne pas que S. Ghraichy éprouve « un admiration inconditionnelle, une vénération » pour le jeu, pour l’imagination sonore de Vladimir Horowitz et l’on comprend mieux ce que l’exemple de cet illustre devancier a pu lui apporter en savourant l’enregistrement de transcriptions et paraphrases lisztiennes qu’il a signé (1)
© Antonin Amy-Menichetti
Année importante dans son parcours, 2015 verra ses débuts au Carnegie Hall, le 15 octobre prochain. En vue de cette soirée, S. Ghraichy a imaginé un programme « Liszt & The Americas ». Autour de la Sonate en si mineur, qu’il range « parmi les dix chefs-d’œuvre de la musique classique tous genres confondus », et de la Marche funèbre en mémoire de Maximilien, Empereur du Mexique de la 3ème Année de Pèlerinage, il a rassemblé des pièces de Gottschalk, Lecuona, Ponce, Albéniz/Godowsky et Villa-Lobos. Un récital haut en couleur, qui sera repris au Kennedy Center à Washington en mars 2016 et à la Philharmonie de Berlin à l’automne 2016. D’ici là espérons que la France permettra aussi d’entendre l’interprète dans ce « Liszt & The Americas ». (2)
Pour l’instant c’est au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix que l’on retrouve le pianiste, parmi d’autres artistes, au cours d’une soirée musicale et poétique (en français et en arabe) mise en scène par Nabil El Azan et dédiée au Festival de Baalbeck. Ce dernier fête son 60ème anniversaire cette année et le Festival d’Aix (ville jumelée avec Baalbeck depuis 2003) à tenu a rendre hommage à la manifestation libanaise que la situation géopolitique du Proche-Orient place dans une situation très délicate (Baalbeck est proche de la frontière syrienne…). Outre des vers d’Adonis, Etel Adnan, Talal Haydar, Issa Makhlouf, etc., on entendra des création musicales de Béchara El-Khoury, Naji Hakim, Zad Moultaka, Ghadi Rahbani et Gabriel Yared, mais aussi des pages classiques par Abdel Rahman El Bacha et Simon Ghraichy, qui a choisi d’interpréter Liszt et Sibelius.
Alain Cochard
(1) disponible via les plateformes de téléchargement et en CD à la sortie des concerts de l’artiste.
(2) Dans un programme différent, on pourra toutefois entendre Simon Ghraichy aux Lisztomanias de Châteauroux le 28 octobre prochain.
Hommage au Festival de Baalbeck
7 juillet 2015 – 20h
Aix-en-Provence – Théâtre du Jeu de Paume
www.festival-aix.com/fr/node/1996
Site de Simon Ghraichy : www.simonghraichy.com
Photo © Natalie Weiss
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