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Paavo Järvi dirige les Orchestre du Conservatoire de Paris et du PSPBB à la Philharmonie - L’air vif de la relève -Compte-rendu
C’est une formidable initiative que celle de l’Orchestre de Paris, qui prête son chef charismatique Paavo Järvi, de la Philharmonie et des Orchestres du Conservatoire de Paris et du Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt, de rassembler ainsi leurs forces vives pour un concert unique dans tous les sens du terme. On sait quelle est l’énergie des jeunes musiciens brûlants de se mesurer à la scène, au public et à quelque baguette prestigieuse qui puisse les canaliser. Car il est impensable de se lancer dans une formation de groupe sans une directive qui puisse réunir les voix, et donner un sens aux particularismes, aux styles naissants de chacun.
Excellent chef et meneur d’hommes, Järvi remplit cet office avec le punch et l’intelligence qu’on a tant appréciés depuis qu’il a réveillé l’Orchestre de Paris. Trouver une pulsion commune dans cette manifestation hétéroclite, donner un style, doser l’expressivité et pas seulement les nuances, tel était l’enjeu, mené devant une salle délirante qui semblait d’ailleurs mieux connaître les jeunes musiciens que la musique, à force d’applaudir entre les mouvements ! A moins que l’enthousiasme ne l’ait emporté sur les conventions !
Le programme, habile, permettait de graduer dramaturgie musicale, rythmes et couleurs, autant que formes d’un habile classicisme, parfois inattendu d’ailleurs. Quoi de plus véhément en effet, de plus ardent que l’appel à la liberté résonnant dans l’éclatante Ouverture d’Egmont : l’ensemble des sonorités y était encore vert, l’ensemble se mettait en place avec un peu de rudesse, mais l’élan laissait présageait un unisson à venir plus subtil.
Vaillance et finesse ensuite avec le 1er Concerto de Beethoven, classique et délicat certes, et si proche de Haydn par son parfait équilibre, mais si enjoué, si bondissant, que la virtuosité s’y fait joie légère et juvénile. Quoi de mieux que les doigts de Khatia Buniatishvili (photo), à la fois rêveuse et mousseuse dans le tendre et paisible largo puis voltigeant à la folie dans un rondo final éblouissant, accueilli par des tonnerres d’applaudissements, et qu’elle a ramenés ensuite au calme avec un Clair de Lune de Debussy plus que suspendu.
Choix astucieux enfin que celui de la 9e Symphonie de Chostakovitch, ni la plus connue ni la plus jouée certes, en raison de son classicisme appuyé, de sa bonne humeur, qui ne sont qu’apparence en fait. Rien à voir avec la Symphonie « Leningrad », ou la terrible Babi Yar, ou la pire encore 14e Symphonie. L’été 1945, le compositeur fête à sa manière la victoire, et le dit en termes d’ordre rétabli, d’ironique harmonie, pour finir en quasi-fête foraine, sans appel à la gloriole : les 20 millions de morts faits parmi ses compatriotes l’incitent peu, incontestablement, à des façons de Te Deum. Staline lui en voulut, lorsque elle fut créée à Leningrad par Mravinski, les Américains la méprisèrent, mais Paris lui fit fête quand elle fut jouée en 1947 à l’Opéra par Roger Désormière.
Il ne s’agissait bien évidemment pas de mettre au programme de ce rassemblement d’un jour, marqué par la jeunesse, quelque grande œuvre tragique : ici, un peu comme dans la Symphonie classique de Prokofiev, on a admiré à quel point l’ensemble des instruments était sollicité, ce qui était excellent pour mettre l’orchestre en valeur, tout en prenant des risques. Risques vaillamment affrontés, notamment par trompettes, hautbois, et contrebasses, un peu moins par les cors (mais c’est là un mal français) sur fond de cordes riches et puissantes, à défaut d’être veloutées. Choix judicieux, à coup sûr, et qui ne peut qu’être profitable à chaque partie de cet ensemble. La grande voile…
Jacqueline Thuilleux
Paris, Philharmonie (Grande Salle), 31 octobre 2015
Photo © Esther Haase
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