Journal
« French Resonance » par Elsa Grether et François Dumont
Elsa Grether, violon / François Dumont, piano
(Fuga Libera FUG 728, disponible uniquement sur les plateformes de téléchargement)
La Sonate en la majeur (1886) de Franck fait partie des plus belles réalisations de la fin du XIXe siècle, certes, mais la littérature française (1) pour violon et piano de l’époque ne s’y réduit pas. Plutôt que d’enregistrer cette œuvre archi-rebattue, Elsa Grether et François Dumont ont eu l'excellente idée de s’intéresser à deux sonates trop méconnues, inscrites dans la mouvance esthétique de celle du « Pater seraphicus »
Elsa Grether © Jean-Baptiste Millot
Pierné (1863-1937) se consacra tant à la défense des compositeurs de son temps que l’on en oublie trop la richesse d’une production parmi laquelle la Sonate en ré mineur op. 36 (1900), dédiée à Jacques Thibaud, mérite d’être défendue. Ancien élève de Franck, l’auteur subit certes l’empreinte de son maître, mais livre néanmoins un ouvrage personnel et admirablement construit dont le feu et le charme emportent l’adhésion.
On ne résiste pas plus à la Sonate en sol mineur (1906) de Louis Vierne (1870-1937) – lui aussi brièvement élève de Franck -, dont l’art dépasse très largement le domaine de l’orgue, comme le prouve un Opus 23 plein de souffle et de mystère. A l’instar du somptueux Quintette avec piano op. 42, il mériterait plus d’attention de la part des interprètes.
Tout comme le violon racé d’ Elsa Grether en mériterait beaucoup plus de la part des organisateurs de concerts français. L’ancienne élève de Ruggiero Ricci, Maurizio Fuks et Régis Pasquier – excusez du peu – est trop rare sur nos scènes. Par-delà de superbes moyens techniques, Grether possède les couleurs – les teintes vaudrait-il mieux dire - et le style idoines pour le répertoire ici abordé.
Le résultat est d’autant plus abouti que l'artiste lorraine trouve en François Dumont un partenaire de premier ordre dont l’amour pour la musique de chambre n’est plus à dire. Parallèlement à une active carrière de soliste, le disciple de Bruno Rigutto s’y consacre de manière régulière, au sein du Trio Elégiaque en particulier.
Pierné : Sonate op. 36, 1er mouvement (ext.)
Présence, complicité, souplesse et naturel du phrasé ; Dumont fait continûment corps avec la respiration de l’archet. Le souffle, l’autorité du propos, le sens de la globalité avec lesquels les deux opus sont abordés ne s’exercent jamais au détriment de la poésie, du rêve et d’atmosphères aussi prégnantes que mouvantes. Parfaite entente ? Ecoutez seulement l’Allegro agitato – un vrai agitato de l’âme – de la Sonate de Vierne pour comprendre ce que cela signifie.
Cerise(s) sur le gâteau, deux miniatures de Fauré complètent opportunément un programme que Grether et Dumont reprennent à l’identique en concert à Paris, le 23 novembre, dans le cadre intimiste du Musée Delacroix. Trois jours plus tôt Bruxelles aura eu le plaisir de les entendre, à Flagey, dans les Sonates de Vierne et de Franck.
Alain Cochard
(1) On n’oublie pas que la Sonate en la majeur est l’œuvre d’un musicien liégeois et qu’elle fut créée à Bruxelles en décembre 1886 sous l’archet de son dédicataire, Eugène Ysaÿe.
Elsa Grether (violon) – François Dumont(piano)
Œuvre de Franck et Vierne
20 novembre – 12H 30
Bruxelles – Flagey (Studio 1)
www.flagey.be/fr/programme/genre/musique/chamber
Œuvres de Pierné, Vierne et Fauré
23 novembre – 20h
Paris- Musée Delacroix
www.musee-delacroix.fr/fr/les-activites/spectacles-et-conferences/french-resonance
le disque de la semaine 6789
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