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Iolanta et Perséphone à l’Opéra de Lyon - Le Théâtre des deux Mondes – Compte-rendu
Cette lecture quasiment christique du conte mis en musique avec tant d’art par le compositeur d’Eugènene Oneguine aura produit la mise en scène la plus épurée et la plus émouvante, inspirée constamment par la musique, due au metteur en scène américain. Chaque geste vaut une note.
Depuis la création de cette production au Teatro Real de Madrid Ekaterina Scherbachenko incarne avec pudeur la princesse aveugle de sa voix ample et tenue, grand soprano radieux auquel répond le chant attentionné de Diana Montague, Martha de luxe. Les clés de fa sont parfois usées : la justesse est d’autant plus périlleuse pour Dmitry Ulyanov, René éploré puis revenu à l’espoir, que sa voix est grande, le ton rêche et le chant brut du Robert de Maxim Aniskin sont bien moins excusables, surtout en face de Willard White qui malgré les ans tient la ligne des brèves interventions du médecin maure.
Une révélation pour les quelques mots de Bertrand : Pavel Kudinov, cheveux argenté mais visage jeune est de la veine des très grands barytons russes, timbre proche de celui de Pavel Lisistian, chant dardé comme celui de Dmitri Hvorostovsky : un des grands Onéguine de demain assurément. Mais le triomphe aura été pour le Vaudémont du jeune ténor polonais Arnold Rutkowski : aigus à la volée, ligne parfaite, éloquence des mots, en voila un à suivre de près. Dans la fosse Martyn Brabbins et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon vont bien plus loin dans les mystères de la partition que ne le faisait le geste décoratif de Currentzis à Madrid ou à Aix. Bravo au chœur, admirable durant le cercle harmonique de l’Hymne des chérubins !
Je quittais avec émotion les décors de George Tsypin, si épurés avec au dessus des chambranles des seuils leurs « rochers de Damoclès », et les costumes volontairement neutres du regretté Martin Pakledinaz, pour revoir le théâtre dansé de Perséphone. Peter Sellars écrit joliment au sujet de la musique blanche dont l’a habillée Stravinsky qu’elle est « aromatique ».
Et à nouveau l’étrange déception que j’ai toujours vécu à la vision de ce dytique m’a ressaisi. Non que la Perséphone ardente de Pauline Cheviller n’égale, en des termes pourtant différents, celle de Dominique Blanc, non que Paul Groves démérite, ni d’ailleurs que l’ensemble de la production musicale ne supplante celle entendue à Madrid ou à Aix, Martyn Brabbins faisant tout plus léger et plus précis, les Chœurs et la Maîtrise exposant avec art l’écriture si faussement simple de Stravinsky, non que le spectacle en lui-même, avec ses admirables danseurs cambodgiens, se soit affaibli. Mais voila, après le miracle de Iolanta, justement dans Perséphone il y a spectacle, vous n’êtes pas englouti par la scène, le théâtre reprend sa distance et ses droits. Ce qui aurait été possible avant Iolanta ne l’est plus vraiment. Et si un jour Sellars pensait à inverser la chronologie, Perséphone avant Iolanta … ?
Jean-Charles Hoffelé
© Javier del Real
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