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​Actéon de Charpentier par les Cris de Paris au Festival d’Ambronay 2020 – C’est la faute à l’Europe – Compte-rendu

Un work in progress, vraiment ? Sur le plan musical, on ne s’en douterait pas, car l’exécution de cet Actéon de Charpentier par les Cris de Paris semble tout à fait rodée. Sans doute est-ce sur le plan théâtral qu’il y a lieu de s’interroger, car on se demande quel rôle a joué exactement Benjamin Lazar dans cette mise en espace qui ne porte pas son nom. On nous parle d’un « étape dans la réalisation » d’une « production audiovisuelle », un « film en plan séquence » d’après Actéon qui devrait voir le jour à la fin de l’année.

Benjamin Lazar © Bertrand Pichène

Certes, les déplacements des chanteurs semblent avoir été réglés avec précision, et chacun sait quelle place il doit occuper à quel moment du concert. Certes, les solistes semblent avoir bénéficié de conseils avisés, d’où un investissement dramatique probablement supérieur à ce qu’il aurait pu être sans cela. Mais ce n’est pas la première fois qu’une version de concert se révèle convaincante sur un plan théâtral, sans être pour autant présentée comme une « tournée expérimentale ».
Benjamin Lazar, en tout cas, vient raconter en préambule tout ce qui se passe dans l’œuvre de Charpentier, pour rafraîchir les souvenirs de mythologie des spectateurs. Il rappelle notamment que cette métamorphose à l’issue sanglante a pour cause Europe, conquête de Jupiter dont Junon entend bien se venger en s’en prenant au petit-neveu de la belle.

Vient ensuite la musique, la partition étant interprétée « en format minimal », ce qui n’est pas gênant dans la mesure où une tragédie lyrique aussi brève paraît destinée à des versions de chambre. Les neuf instrumentistes dirigés par Geoffroy Jourdain restituent la partition avec tout le style et l’esprit attendus, comme l’atteste entre autres le magnifique passage où l’orchestre seul traduit les plaintes et la métamorphose du héros dès lors qu’il perd l’usage de la parole.
 

© Bertrand Pichène

Côté distribution vocale, même minimalisme : un chanteur par voix pour le chœur, plus les trois indispensables solistes (les personnages secondaires, comme la nymphe Aréthuse, seront chantés par les membres du chœur). Le rôle-titre trouve en Constantin Goubet un interprète convaincu et convaincant, à l’aigu facile, qui traduit bien les différents visages de l’infortuné roi de Thèbes. Adèle Carlier campe une Diane majestueuse au timbre corsé, selon une option à l’opposé de la chasseresse que fut jadis Agnès Mellon dans l’enregistrement de William Christie. Dans l’intervention in extremis de Junon, Marielou Jacquard impressionne par la rage concentrée qu’elle parvient à mettre dans son chant.

Présents à plusieurs reprises, de la première scène et jusqu’à la grande déploration finale, Le chœur est ici un quatuor tout à fait homogène et aux belles couleurs, formé par la soprano Michiko Takahashi, la mezzo Marie Pouchelon, le ténor Safir Behloul et la basse Renaud Bres. On attend maintenant de savoir à quoi ressemblera le film promis, où l’on devrait retrouver les différentes équipes qui ont participé au spectacle dans ses différentes incarnations depuis le début de septembre.

Laurent Bury

Charpentier : Actéon - Ambronay, Abbatiale, 3 octobre 2020. Diffusion le 5 décembre sur ARTE Concert en direct d'une salle parisienne (pas encore connue).
 
Photo © Bertrand Pichène

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