Journal

​Benjamin, Rattle, Elder ; les trois Sirs du Festival d’Aix-en-Provence 2023 – Noblesse oblige – Compte-rendu

 
Perfide, Albion ? Certains ont le droit de le penser à l’heure des crunchs dont les résultats tapissent les murs des chambres des passionnés de rugby… L’Anglais a brulé Jeanne, il faut bien le lui faire payer des siècles plus tard avec quelques essais ! Mais en matière de musique, difficile de vouloir bouter le British hors des partitions des mangeurs de grenouilles. Le meilleur ennemi d’outre-Manche a en effet toujours pris plaisir à favoriser l’épanouissement de pages musicales nées de ce côté du Channel. Ce dont nous ne pouvons que nous réjouir – si Sir Colin Davis ne s’était pas un jour penché sur ses œuvres, la postérité d’Hector Berlioz eût été toute différente ...
 

Sir George Benjamin © Matthew Lloyd
 
Et cette année, ce sont trois Sirs qui ont fait vivre ses plus belles et riches heures au Festival d’Aix-en-Provence. Et de quelle façon ! A commencer par Sir George Benjamin revenu une dizaine d’années après son Written on skin, créer un nouveau chef-d’œuvre sur les rives du cours Mirabeau, Picture a day like this, dont nous vous avons dit la réussite (1). Compositeur, mais aussi chef d’orchestre, l’artiste est entré de son vivant dans l’Histoire de la musique avec la complicité de son compagnon de labeur, Martin Crimp, librettiste de génie.

Autre Sir d’excellence convoqué au festin musical aixois, Simon Rattle. L’homme aux frisottis blonds/blancs est à Aix-en-Provence en terre de connaissance ; accompagné par les instrumentistes du London Symphony Orchestra qui, depuis de longues années, n’ignorent rien de la douceur du calisson ! Pour le 75 anniversaire du Festival, Simon Rattle et Simon McBurney signent le succès du Wozzeck de Berg. (2) Toute la détresse humaine, toute la misère, toute l’incompréhension mais aussi tout l’amour du monde dans une heure et demie de musique et de drame. Impossible de passer tant à côté de la mise en scène que de la direction ! Les deux Simon ont frôlé la perfection et leur Wozzeck ne sortira plus jamais des mémoires de ceux qui l’ont vu.
 

Sir Simon Rattle © Oliver Helbig
 
Mais Simon Rattle n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Après avoir créé avec joie et intelligence Ces belles années de Betsy Jolas, une commande du LSO, du Festival d’Aix-en-Provence et du Cleveland Orchestra, le chef s’attaquait à la Symphonie no 7 de Mahler, ce « Chant de la nuit » hélas moins donné que les autres symphonies de l’Autrichien, mais tellement beau et hors du temps. Pas de partition pour le maestro, tout est dans la tête, et nulle faiblesse dans le bras et dans les yeux pour sonder les profondeurs de l’œuvre. Il est vrai que la perfection de l’orchestre à tous les pupitres était là pour abonder dans le sens de l’excellence.
 

Sir Mark Elder © Groves Artists
 
Ce London Symphony Orchestra que nous retrouvions le lendemain dans une version concert du Prophète de Meyerbeer. Cinq actes, plus de trois heures de musique : vous voulez du grand opéra à la française,  vous en avez ! Et quel opéra… Lu, relu, dirigé et magnifié par un autre citoyen britannique distingué par sa majesté : Sir Mark Elder (photo). Pas besoin de café pour tenir la distance. Quelle intelligence et quelle sensibilité pour faire passer au second plan les accents « pompiers » de la partition et offrir une interprétation toute de passion et d’émotion. Un immense –  au sens propre et au sens figuré  –  moment d’opéra servi par le chef certes, mais aussi par une distribution admirable au premier rang de laquelle John Osborn, l’incomparable Elizabeth DeShong et Mané Galoyan.
Benjamin, Rattle, Elder : trois Sirs qui ont conféré une dimension royale à la 75édition du Festival d’Aix-en-Provence.
 
Michel Egéa

 

(1)   www.concertclassic.com/article/picture-day-de-george-benjamin-et-martin-crimp-en-creation-au-festival-daix-en-provence-2023
(2)   www.concertclassic.com/article/wozzeck-selon-simon-mcburney-au-festival-daix-en-provence-2023-lhorrible-bonheur-compte
 
Festival d’Aix-en-Provence 2023, 14 juillet (Mahler, LSO) ; 15 juillet (Le Prophète)
 
Photo ©  Groves Artists

Partager par emailImprimer

Derniers articles