Composé d’extraits musicaux et de divers textes (lettres, articles, poèmes - de Maïakovski ou Tsvetaiéva), « Chostakovitch en lettres et en musique », spectacle pour récitant et quatuor à cordes proposé par le comédien François Marthouret et le Quatuor Ludwig, ne raconte pas par le menu l’existence de l’auteur de Lady Macbeth de Msensk. Quelques faits historiques (le fameux article de la Pravda du 26 janvier 1936, le siège de Leningrad, la vie de l’URSS, ses dirigeants, les attaques de Jdanov) se mêlent librement à des détails bien plus personnels sur le quotidien du compositeur (plus facile de trouver un frac que des pommes de terre lors du siège de Leningrad…), sur sa manière de travailler ; ils soulignent aussi le regard, d’une ironie mordante, que l’artiste portait sur l’absurde système soviétique.

Un remarquable équilibre entre les mots et des extraits bien choisis de plusieurs quatuors à cordes (les nos 1, 3, 7 et 8) permet d’approcher au plus près de l’intimité du compositeur, de partager un peu de ses angoisses, de ses conflits intérieurs.

Rien de forcé, de surligné, de déclamé dans la manière de François Marthouret mais, tout au contraire, une modestie, une discrétion, une fragilité qui correspondent on ne peut mieux à la personnalité de Chostakovitch. Avec le Quatuor Ludwig, le comédien forme un véritable quintette ; les paroles se superposent parfois à la musique : on est de bout en bout pris par la force d’un spectacle sombre, résolument, mais d’une profonde cohérence.

La soirée se referme sur le Quatuor n°8 en ut mineur dont les Ludwig s’emparent avec une parfaite justesse de ton, entre prégnante gravité et mordant. Quelle meilleure conclusion trouver à ce « Chostakovitch en lettres et en musique » que le plus autobiographique des quatuors de celui qui préférait que sa musique parlât pour lui ?

Alain Cochard

Paris, Opéra Comique, 2 février 2011

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Photo : DR