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Jean-François Verdier – A l’Opéra, autrement


Connaître les fosses de l’Opéra Bastille et de Garnier comme sa poche et s’apprêter à y faire ses débuts ? La situation peut sembler un tantinet paradoxale, mais telle est bien celle de Jean-François Verdier. Clarinettiste super-soliste depuis 1996 à l’Opéra de Paris, ce dernier mène en effet en parallèle une activité de chef qui, dans son esprit, relève finalement de la même démarche, celle d’un artiste discret dont l’itinéraire prouve que le talent, la passion et le travail ont raison de tous les obstacles. « J’ai commencé la musique très tard, à seize ans, dans des conditions pas faciles, de petites écoles de musique, se souvient-il. Comme j’étais plus doué que les gens qui étaient là, on m’a demandé de faire des arrangements, des orchestrations, d’aider les petits qui venaient d’arriver et… de diriger les partitions que j’avais arrangées. La musique a toujours été en permanence pour moi une multi-activité, je n’ai jamais envisagé de me spécialiser dans une seule chose. » Débuts tardifs sans doute, mais dons peu ordinaires qui font que le clarinettiste sortira du Conservatoire de Paris seulement quatre ans après ses débuts en musique…

Ce cap franchi, Jean-François Verdier décide un jour de participer à un stage de direction d’orchestre que Leonard Bernstein anime à Paris. Le courant passe entre « Lenny » et le jeune musicien. Il lui suggère de venir à New York. La vie en décide autrement : la disparition du père de Jean-François Verdier, puis celle du maestro compromettent le projet, mais la flamme demeure. « J’ai recommencé d’une autre manière et multiplié les expériences – Werther sera tout de même le vingt-septième opéra que je dirige, ce qui est beaucoup pour un chef français – dans des conditions plus ou moins prestigieuse et difficiles, mais ça apprend beaucoup », confie un chef aujourd’hui âgé de quarante ans. En demandant à Jean-François Verdier de reprendre Werther pour les trois représentations dans la version Battistini, Gerard Mortier sait qu’il peut lui faire entière confiance pour un exercice « assez compliqué » comme concède le chef.

« Je n’ai jamais été inscrit dans un conservatoire pour apprendre la direction, reconnaît Jean-François Verdier » - qui a, rappelons-le, remporté en 2001 le Prix Bruno Walter du Concours de Lugano. « Ma carrière était déjà lancée en tant que clarinettiste et je me suis rendu compte que les grands chefs qui circulent de par le monde on été formés «sur le tas » ». De son poste d’observation dans la fosse de l’Opéra, l’artiste a beaucoup appris des baguettes qui s’y sont succédées et en a profité pour recueillir de précieux conseils. « A chaque fois qu’un chef m’a semblé accessible et en mesure de m’apprendre quelque chose, je suis allé à sa rencontre. » Discret sur les noms de ceux qu’il a croisés – et refusant catégoriquement de se dire « élève de » qui que ce soit -, Jean-François Verdier n’en cite qu’un : Amin Jordan. « Celui qui m’a apporté le plus humainement et sur le plan du métier ; un très grand cœur », qui savait tendre la main à ses cadets. « Je pense qu’il aurait aimé que ça marche bien pour moi », glisse-t-il avec une pudeur mêlée d’émotion.

Et « le » ou plutôt « les » grands jours de la saison 2008-2009 de Jean-François Verdier approchent ! Dès le 24 février, on l’entend à Garnier lors du concert annuel des solistes de l’Atelier Lyrique. Il vient tout juste de faire la connaissance de ces jeunes chanteurs quand nous l’interrogeons. « Je les ai rencontré hier soir pour la première fois, ce sont des artistes très motivés qui ont sérieusement préparé leur concert. Il reste qu’il faut savoir aussi les aider car c’est la première ou la deuxième fois qu’ils se produisent en concert. Il y a aussi un travail psychologique à effectuer pour que les choses se passent bien. D’une façon générale, avec les jeunes chanteurs j’ai souvent eu de bonnes surprises… »

Les 22, 24, et 26 mars ce sera au tour du baryton Ludovic Tézier d’incarner Werther à l’Opéra Bastille dans une production importée de Munich et à Jean-François Verdier de reprendre la baguette pour « endosser le costume de Kent Nagano sans lui ressembler exactement. » Tâche délicate, «mais je pense que je peux avoir un peu de liberté pour moi et marcher dans ses pas sans trop de problèmes », ajoute un musicien qui sait qu’il peut compter sur un métier déjà très solide.

Les fosses d’opéras ont contribué à le forger, l’activité symphonique aussi. Jean-François Verdier a déjà travaillé avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, l’Orchestre National d’Île-de-France ou l’Orchestre Philharmonique de Taipei et parmi les temps forts de sa saison, il faut également retenir sa nomination en 2008 comme chef d’orchestre « en résidence » à l’Orchestre National de Lyon, avec lequel les projets ne manquent pas.
Débuts à l’Opéra d’un chef aguerri donc. Mais « à Paris, chez moi, avec mes collègues. Une chose énorme. » Et ce bonheur là, Jean-François Verdier ne le cache pas !



Alain Cochard


Concert des solistes de l’Atelier Lyrique
Humperdinck, Nicolaï, R. Strauss, Mozart, J. Strauss
Palais Garnier
24 février 2009 - à 20h



Massenet : Werther
Du 28 février au 26 mars 2009
Version Battistini, les 22, 24 et 26 mars


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Photo : DR

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