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Les Arts Florissants sous les charmes d’Armide, une interview de William Christie


Du 8 au 18 octobre au Théâtre des Champs-Elysées, William Christie dirige six représentations de l’Armide de Lully dans une mise en scène de Robert Carsen. A l’occasion de ce spectacle, parmi les plus attendus du début de saison, Concertclassic a interrogé le patron des Arts Florissants

William Christie, c’est là votre grand retour à Lully depuis la résurrection historique d’Atys, fin 1986. Mais, en fait, ce compositeur n’a jamais été très loin de vos préoccupations d’interprète…

William Christie : Certes, et ainsi que l’attestent mes dernières incursions dans son œuvre, tels la tragi-comédie Psyché, le spectacle intitulé Les Divertissements de Versailles ou encore les deux comédies-ballets Le Sicilien et l’Amour Médecin de Molière montées avec nos amis de la Comédie Française. Cela dit, cette nouvelle production d’Armide marque indéniablement un retour en force, avec la volonté de rendre tout son pouvoir musical et théâtral à cette tragédie lyrique, peut-être le chef-d’œuvre absolu du Florentin.

Mais d’abord, pour réveiller une grande tragédie lyrique, il faut y mettre les moyens, s’agissant déjà d’une manière de spectacle total qui requiert les ressources conjuguées du chant, du dire et de la danse.

Dans ce domaine, les années fastes sont derrière nous et l’heure présente est à la haute surveillance des budgets. Etant entendu qu’il est moins onéreux de monter un opéra de Haendel, voire le Chevalier à la Rose de Strauss, qu’un ouvrage aussi codifié qu’Armide, spécifique du spectacle de cour versaillais. Mais il se révèle, en même temps, d’une étonnante plasticité et se laisse aisément rajeunir, témoignant ainsi, à chaque nouvelle production, d’une actualité permanente, à travers le thème de la magicienne soudain submergée par l’ amour qu’elle porte à Renaud, héros venu du monde chrétien (rappelons que le sujet est tiré du Roland Furieux de l’Arioste).

Précisément, côté mise en scène, je remarque que vous faites une fois de plus équipe avec Robert Carsen, votre complice depuis quinze ans…

C’est que j’attache une grande importance aux correspondances existant, à l’opéra, entre le musical, le dramatique et le visuel. Dans notre cas, il s’agit même de connivence, tant nos points de vue sont convergents. De plus, le 3ème homme, Jean-Claude Galotta, est le talent qu’il nous fallait pour la partie chorégraphique de l’ouvrage, au point qu’on peut parler d’entente parfaite au niveau de la conception et du projet.

Plus en détail, qu’est-ce qui vous séduit ici dans les personnages et plus particulièrement dans le rôle-titre ?

Avant tout, un équilibre exemplaire entre le verbe et les notes. Sous la simplicité du propos, la musique est, dans chaque emploi, au plus près des mots, libérant, sans qu’il y paraisse, une surprenante richesse rhétorique. De ce point de vue, le livret de Quinault, révèle de rares vertus poétiques – en écho à la fameuse théorie des passions – au point que l’auditeur, dès le texte, est comme immergé dans la musique.

Conscient de cet état de grâce (qui fit dire aux contemporains qu’il était allé chercher son récitatif dans la déclamation de la Champmeslé), Lully suit simplement la pente des émotions générées par les paroles, comme dans le fameux monologue d’Armide de l’acte V (« le perfide Renaud me fuit… ») qui mérite de figurer comme modèle de déploration expressive, dans l’histoire de l’école française. Mais, bien sûr, cette simplicité implique un engagement total des acteurs et des musiciens ; et cela dès l’imposant prologue, exemple achevé de célébration louis-quatorzième.

Ce prologue a pour vous, je crois, une réelle importance dans la signification générale de l’œuvre…

Sans nul doute, car la musique y est aussi belle que dans les cinq actes qui suivent, nous renvoyant au roi lui-même, dont Lully et Quinault nous proposent une image emblématique, à l’opposé de Renaud qui, asservi et amolli par les charmes érotiques d’Armide, jouerait plutôt ici les anti-héros ! De toute façon, c’est tout l’ouvrage qui baigne dans une lumière humaniste (et par instants presque christique) dont nous avons perdu les clés, mais dont témoigne le destin tendu de l’héroïne, à qui il aura manqué la foi, mais non la fièvre, la flamme et la grâce. Preuve que Lully avait tout compris des ressorts premiers de l’univers opératique (a-t-on fait mieux depuis ? Ceci reste une autre histoire…).

Propos recueillis par Roger Tellart, le 24 septembre 2008

Armide de Lully au Théâtre des Champs-Elysées du 8 au 18 octobre 2008. Les Arts Florissants sous la direction de William Christie. Mise en scène, Robert Carsen ; Chorégraphe, Jean-Claude Galotta.

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Photo : DR

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