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Lupu, Abbado et l’Orchestre Mozart à Pleyel - Complicité affectueuse - Compte-rendu

Comme l’amour, la musique possède cette grâce de favoriser des rencontres exceptionnelles. Ainsi du dernier concert donné salle Pleyel par Claudio Abbado à la tête de l’Orchestre Mozart, le benjamin de ses juniors - quelle magnifique façon de fêter les 80 printemps du maestro et d’inaugurer, selon sa volonté, la Journée mondiale pour l’abolition du travail des enfants – avec la participation du pianiste roumain Radu Lupu. Or, c’est peu dire que ce dernier ne s’entend pas avec tous les chefs, surtout avec ceux qui confondent la baguette et le métronome !

Il lui faut un accompagnement sur mesure qui colle à l’humeur de sa fantaisie. Et ce soir-là, il en avait à revendre dans l’ultime Concerto, le n°27, de Mozart comme dans l’andante d’une de ses sonates qu’il joua en bis. Il était même en veine de confidence : Radu Lupu nous a ouvert les portes de sa sensibilité avec la complicité affectueuse d’Abbado. C’est grâce à ce dernier que le pianiste put dialoguer dans un échange d’une liberté inouïe avec la flûte solo véritablement… enchantée. Car tout se croise dans la furia créatrice du Mozart de l’année 1791 où il ne noircit pas moins d’un millier de pages de musique.

Lupu a visiblement travaillé dans les bibliothèques le dernier mouvement au thème inspiré d’un lied dédié au printemps afin d’approcher au plus près l’âme du musicien qui semble pressé de tout dire avant de quitter un monde qui le refuse, faisant feu de tout bois, de l’operia seria (La Clémence de Titus) au Concerto pour clarinette en passant par la musique de chambre, l’opéra comique (La Flûte enchantée), les Cantates maçonniques pour finir avec le Requiem.

Ce moment de grâce unique fut précédé par une formidable leçon de style avec l’ouverture des Créatures de Prométhée de Beethoven et suivi du Concerto pour trompette de Papa Haydn qui confronta les jeunes instrumentistes à un autre genre de problème, le piston récalcitrant du soliste Reinhold Friedrich. Le flegme souriant du chef vaut tous les cours de conservatoire : la musique, ça n’est pas du jus de crâne, mais d’abord un acte incarné !

Pour finir un cheval de bataille de Claudio Abbado avec la brève Symphonie classique de Prokofiev, chef-d’œuvre d’ambiguïté où nul ne sait si cet « à la manière de » est moqueur, sincère, distancié ou purement artificiel. Et si c’était de l’art tout simplement semble nous dire Abbado. Quel chef ! Quel musicien !

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 11 juin 2013

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Photo : DR
 

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