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​Nabucco aux Arènes de Vérone – Quand les voix sont là – Compte-rendu

Que seraient les Arènes de Vérone sans le Nabucco de Verdi, titre phare célébré depuis toujours avec une récurrence inégalée ? La Fondation qui gère les destinées du festival et règle les mises en scène de la plupart des spectacles, a confié cette année au collectif D-Wok la réalisation des décors et des vidéos qui accompagnent cette réalisation.
Au plateau une horde de juifs privés de leurs droits et parqués dans des camps de transit sont maltraités par des nazis dans la plus grande confusion, Abigaille tentant de prendre le pouvoir (et donc accessoirement le trône de Babylone) à un Nabucco aux forces balbutiantes avant que celui-ci ne retrouve tout son courage et n’assiste à l’empoisonnement de sa fille adoptive. Un décor composé de hautes grilles et d’escaliers métalliques déplacés jusqu’à l’indigestion, ponctue chaque tableau tandis que l’œil est attiré par d’incessantes et parfois risibles images projetées sur de grands écrans (comme celle de l’écroulement de l’idole de Baal, absolument ridicule) ou pire encore par des « ballets » de sportives, vaguement inspirés par les grands rassemblements hitlériens filâés en leur temps par Leni Riefensthal.

Anna Pirozzi (Abigaïlle) & Riccardo Rados (Ismaele) © Foto Ennevi 

Heureusement pour les festivaliers, les voix sont au rendez-vous. Du haut de ses 100 Abigaïlle, Anna Pirozzi (qui remplace Saioa Hernández) demeure la plus belle et la plus complète dans ce rôle impossible. La soprano napolitaine en connaît chaque détail et déjoue avec une aisance déconcertante tous les pièges d’une partition à l’écriture escarpée. Malgré les années, la voix reste homogène sur tout le registre et surprend davantage par la qualité de ses nuances, notamment pendant les longues phrases émises piano/legato de l’« Anch’io dischiuso un giorno », que par la puissance déployée dans les grands ensembles, magnifique mais prévisible. Là où tant d’autres y ont laissé des plumes, Anna Pirozzi parvient grâce à sa technique et à son intelligence à briller dans un rôle qu’elle a su faire sien et auquel son nom restera associé, comme avant elle celui d’Elena Souliotis.

Amartuvshin Enkhbat (Nabucco) © Foto Ennevi

Amartuvshin Enkhbat est également un Nabucco de tout premier ordre, au timbre de baryton singulier et à l’approche psychologique soignée, entre démesure et abattement, douceur et folie, capable d’émouvoir dans les moments de faiblesse. Sa grande scène de la quatrième partie « Son pur queste mie membra ! » suivie par le célèbre « Dio di Giuda » lui ont d’ailleurs valu une ovation amplement méritée. Rafal Siwek est un solide Zaccaria, la mezzo française Géraldine Chauvet une élégante Fenena, Riccardo Rados un fringuant Ismaele et Elena Borin, une fougueuse Anna.
 

Daniel Oren © Foto Ennevi

Grand triomphateur de la soirée, Daniel Oren à la tête de l’Orchestre des Arènes délivre une direction aussi fine que palpitante qui donne à entendre toues les subtilités de la musique de Verdi, à jamais glorifié pour avoir composé le « Va pensiero », bissé comme de coutume, dans lequel depuis la création de l’œuvre l’ensemble du peuple italien se reconnaît.

François Lesueur

Giuseppe Verdi : Nabucco -  Arènes de Vérone, 20 août 2021

© Foto Ennevi

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