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30ème Festival de Lanvellec et du Trégor – Un nouveau départ
De jeunes interprètes pleins de talent, un programme original, intelligemment construit, un public nombreux et conquis : le splendide concert de la soprano Maïlys de Villoutreys (photo) et du claveciniste Ronan Khalil – on y reviendra plus loin – a inauguré en beauté le Festival de Lanvellec, plaçant sous les meilleurs auspices la 30ème édition d’une manifestation qui prend un nouveau départ avec l’arrivée (le 1er septembre dernier) à sa direction générale et artistique de Christian Langenfeld, jusqu’il y a peu directeur artistique du Festival de Musique Ancienne de Ribeauvillé (Haut-Rhin).
On doit l’existence du Festival de Lanvellec à Geneviève Le Louarn qui, au mitan des années 1980, époque où elle est conservatrice régionale des monuments historiques à Rennes prend conscience et, surtout, fait prendre conscience de la valeur historique et musicale de l’orgue Dallam de l’église Saint-Brandan de Lanvellec – 1653 : rien moins que le plus ancien orgue de France et le seul de Dallam entièrement « dans son jus ». Sa passion, sa persévérance, sa culture profonde et dénuée de pédanterie ont raison des obstacles, des réticences : grâce à elle l’instrument, certes classé en 1971 mais abandonné et en bien piteux état, est restauré et inauguré en novembre 1986 par un certain... Gustav Leonhardt.
La création du festival s'ensuit dès 1987 ; d’abord vice-présidente d’honneur, G. Le Louarn prend la direction artistique en 2006. La projection (à l’ENSSAT de Lannion, le 15 octobre) de « Lanvellec, Passions baroques », riche documentaire (réalisé par Jean Dubreuil et Françoise Guy) consacré aux trois premières décennies de Lanvellec a d’ailleurs bien souligné la place occupée par une manifestation qui, en plus du festival automnal, comprend un « Printemps de Lanvellec » (un tremplin pour de jeunes interprètes, organisé en partenariat avec le Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt et le CNSMD de Lyon) et une Académie d’été réputée.
Affirmation d’une vraie identité musicale (Lanvellec est membre du Réseau Européen de Musique Ancienne/REMA depuis 2009), solide ancrage territorial : les résultats de l’action de G. Le Louarn ont été d’irremplaçables atouts pour elle et le festival au moment où, l’an dernier, elle a pris la décision de passer le relai. Une réunion sous l’autorité du préfet à Saint-Brieuc aura marqué le moment d’une véritable prise de conscience par les différents acteurs concernés de l’enjeu culturel et économique pour le Trégor.
Genviève Le Louarn & Christian Langenlfeld © DLC
A cet égard, il faut tirer un coup de chapeau à Joël Le Jeune, maire de Trédez-Locquémeau et président de Lannion-Trégor Communauté : il a joué un rôle moteur dans un mouvement général qui, à présent, se concrétise en particulier par la création d’un poste de directeur du festival (G. Le Louarn occupait ces fonctions bénévolement) et par la signature (en janvier prochain) d’une convention quadriennale entre le festival, l’Etat, la région, le département et les collectivités locales. Enjeu territorial ? Il ne sera que plus grand à compter de janvier 2017, qui verra la fusion de Lannion-Trégor Communauté et de la Communauté de communes du Haut Trégor dans une unique entité de 100 000 habitants.
Geneviève Le Louarn passe donc le relai à Christian Langenfeld dans les meilleures conditions - et devient, quoi de plus légitime ?, présidente du festival. Le nouveau directeur aura évidemment à cœur d’imprimer sa marque à partir de l’an prochain avec, sur le plan du répertoire, des envies d’ouverture en direction du Moyen Âge et de la Renaissance. Le Printemps et l’Académie continueront bien évidemment et, au-delà des périodes qui les concernent, c’est durant toute l’année que le festival sera présent dans le Trégor. Lanvellec participera dès 2017 à la Journée de la Musique Ancienne du REMA (21 mars) et, par ailleurs, des projets se mettent en place avec les Conservatoires de Saint-Brieuc et de Rennes, tout comme des actions pédagogiques en milieu scolaire, pour lesquelles Christian Langenfeld peut entre autres compter sur les musiciens de l’Ensemble Il Festino (dir. Manuel de Grange), en résidence à Lanvellec.
Ronan Khalil et Maïlys de Villoutreys © DLC
Si bien des lieux ont été explorés depuis trois décennies, la belle chapelle Sainte-Anne de Lannion a pour la première fois cette année accueilli un concert avec le récital de Maïlys de Villoutreys et Rhonan Khalil, deux membres de l’Ensemble Desmarest - un voisin, puisque rennais.
Sorti au printemps, le bel enregistrement « Il Pianto della Madonna » (1), capté en concert durant l’Août musical de Deauville 2015, a mis en valeur les qualités de la jeune soprano. Le programme autour du thème d’Ariane et, plus largement, des émotions féminines, que les interprètes ont imaginé pour Lanvellec permet de savourer à nouveau une voix riche, lumineuse, remarquable d’homogénéité et comme nimbée d’un halo de poésie.
Autant de qualités qui d’emblée charment l’auditoire, l’interprète commençant a cappella en sortant de la coulisse et venant rejoindre Ronan Khalil sur scène pour partager une respiration commune dans le fameux Flow my tears de John Dowland. Modèle de souplesse, de naturel et de justesse expressive que L’Eraclito amoroso de Barbara Strozzi qui suit ; M. de Villoutreys vit aussi intensément la musique qu'elle se refuse à la surcharge, au surlignage. On se laisse autant prendre par le Lamento d’Arianna de Monteverdi ou celui de Didon, l'un et l'autre servis par une alliance de naturel et de caractère qui résume bien le tempérament de l'artiste. Outre Purcell, la musique anglaise aura été à l’origine d’une magnifique découverte nichée au cœur du programme, une Ariane de Henry Lawes (1596-1662), précisément intitulée The Story of Theseus and Ariadne, as much as concerns the ensuing Relation, is this. Dans cette vaste pièce de près d’une dizaine de minutes, que les deux interprètes ont découverte au cours de leurs études grâce à Kenneth Weiss, la soprano manifeste une incroyable mobilité dans l’expression des affects, portée par le jeu aussi présent et vivant que complice de Ronan Khalil. On entend aussi ce dernier dans un ground de Purcell (Here the deities approve) et une passacaille de Rossi , ces morceaux participent de l’équilibre général d’une soirée en une partie dans laquelle quelques songs ( Fairwell, fair saint, Cupid’s weary of the Court, Can beauty spring)de William Lawes, frère cadet de Henry et le Fain would I change de Tobias Hume se glissent, apportant des touches de légèreté avec un tact infini.
Outre le bonheur qu’il procure à l’auditoire, ce concert d'ouverture a le mérite de souligner les qualités acoustiques de la chapelle Saint-Anne, lieu idéal pour de petites formations et pour le clavecin solo.
Le Festival de Lanvellec se prolonge jusqu’au 30 octobre et il est temps encore d’aller découvrir des programmes conçus spécialement pour le 30ème Festival (placé sous le thème « Perles baroques ») tels que « Madrigaux pour la cour de Ferrare » par Il Festino ( le 22 à Tréguier), « Honi soit qui mal y pense », qui réunit Doulce Mémoire et La Rêveuse dans des pages anglaises des XVIe et XVIIe siècles ( le 23 à Lanvellec), un très attendu « Jean-Marie Leclair, portraits virtuose » de l’Ensemble Ausonia de Frédéric Haas, grand fidèle du festival et de son Académie (le 28 à Guingamp), ou encore « Collana di perle musicali » pour lequel les cornets de Jean Tubéry et Lambert Colson dialogueront avec l’orgue Dallam de Lanvellec joué par Bernard Foccroulle, dont ce sera la première venue au festival (le 30).
On n’oublie évidemment pas les Vêpres de Monteverdi confiées à Arsys Bourgogne et à La Fenice (le 29 à Tréguier), ni les diverses étapes du « Baroquo-Bus » (les 26 et 27), qui n’est autre que le désormais célèbre Opérabus (2) de Valenciennes, mais... en tenue baroque ! Les violes de Florence Bolton, le luth et le théorbe de Benjamin Perrot en formeront l’âme musicale à partir d'œuvres signées Dowland, Hume, Marais, De Visée ou Kapsberger.
Alain Cochard
(1)« Il Pianto della Madonna », B Records / LBM005 (dist. Believe)
(2) Opérabus : www.operabus.fr
Lannion, chapelle Saint-Anne, 15 octobre 2016
30ème Festival de Lanvellec, jusqu’au 30 octobre 2016 www.festival-lanvellec.com
Photo Maïlys de Villoutreys © DR
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