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Adriana Lecouvreur de Cilea à l’Opéra Bastille – Svetla Vassileva : la confirmation d’un authentique talent - Compte-rendu
Pour prendre congé de l’Opéra National de Paris, son ancien directeur Nicolas Joel, a convaincu Angela Gheorghiu de revenir sur la scène de la Bastille, dans la production d’Adriana Lecouvreur de David McVicar, créée à Londres en 2010 puis remontée à Barcelone en 2012 avec Barbara Frittoli et Roberto Alagna.
Le rôle-titre a également été confié pour quelques dates à une interprète valeureuse sinon supérieure, la Bulgare Svetla Vassileva, déjà applaudie en ces lieux dans une très belle Francesca da Rimini ainsi que dans Falstaff et Madama Butterfly. Loin des habituelles simagrées de sa consœur, qui cultive jusqu’à l’écœurement d’antiques clichés de prima donna, jouant avec son image, ses caprices et une communication d’un autre siècle, Svetla Vassileva, bien moins médiatisée, ne craint ni de mettre sa voix en danger, ni de se lancer des défis, alternant depuis longtemps partitions et tessitures (Ernani, Manon Lescaut, Onéguine ou Forza del destino) au lieu de promener inlassablement la même sempiternelle Mimi…
Un peu hésitante à son entrée Vassileva, qui chante pour la première fois le rôle face au public de la Bastille, s’est rapidement révélée une Adriana de tout premier ordre, imposant sa personnalité et son style dans une œuvre à jamais marquée par la légendaire Magda Olivero. Déjouant les pièges disséminés par Cilea, la cantatrice dotée d’une technique affûtée et d’une réelle imagination, nuance chacune de ses interventions, orageuse ou délicate, conquérante ou outragée, tragédienne ou simplement amoureuse, nous faisant succomber à la beauté de ses aigus filés, interminablement diminués et à la violence qu’elle sait faire éclater pour défendre son honneur ou l’amour de son amant. D’Adriana elle possède la séduction, le verbe haut, le port altier sans oublier l’endurance et le don de soi. Si l’on ajoute à ce portrait habilement caractérisé que l’artiste est aussi belle à regarder qu’à écouter et qu’elle n’oublie jamais pour être convaincante, d’émouvoir, on comprend que l’accueil chaleureux qui lui a été réservé n’est pas un hasard, mais la confirmation d’un authentique talent.
Luciana D’Intino plastronne dans le rôle expéditif et caricatural de la Bouillon qu’elle aborde en matrone plus qu’en Princesse, d’une voix faussement profonde entachée par un goût vériste du plus mauvais effet. Dans celui du vieux régisseur de la Comédie Française épris de sa comédienne chérie, Alessandro Corbelli, même avec un instrument aujourd’hui usé, se montre touchant et d’une belle vaillance. Parmi les figures hautes en couleur dépeintes avec méticulosité par le compositeur, Raul Giménez conserve quelques beaux restes en Abbé de Chazeuil, tandis que Carlo Bosi et Alexandre Duhamel ne font qu’une bouchée des intrigues de Poisson et Quinault, Wojtek Smilek (Prince de Bouillon) s’avérant meilleur acteur que chanteur. Toujours fringant en éternel jeune homme, Marcelo Alvarez (Maurizio) s’il demeure gauche scéniquement, convainc sur le plan vocal grâce à la qualité de son timbre ensoleillé et son chant festonné, d’une rare élégance.
Aux commandes d’un orchestre aux sonorités riches et voluptueuses, Daniel Oren apparaît moins distant qu’à l’ordinaire, trouvant chez Cilea un univers plus conforme à sa sensibilité. Enfin, vingt trois ans après Jean-Luc Boutté, lui aussi un peu trop respectueux et sans doute impressionné par sa soliste, la merveilleuse Mirella Freni, McVicar signe une mise en scène classique, sans fausse note, ni faute de goût, conçue dans des décors et des costumes léchés, mais où l’on cherche en vain le souffle théâtral et la passion.
François Lesueur
(1) Disponible en DVD, avec Jonas Kaufmann, sous la baguette de Mark Elder (Decca)
Cilea : Adriana Lecouvreur – Paris, Opéra Bastille, 29 juin 2015, prochaines représentations les 9, 12 et 15 juillet 2015 (avec S. Vassileva les 9 et 15)
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