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Alcina de Haendel à l’Opéra de Lausanne - Vertiges de l'amour - Compte-rendu
Même les magiciennes chez Haendel doivent apprendre la plus dure des lois sur les sentiments humains, à savoir qu'ils finissent. Carte du Tendre d'une illusionniste en abus de pouvoir qui s'emmêle les baguettes à force de lancer des maléfices amoureux, Alcina déploie tous les visages de l'amour dans ce qui reste sans doute le plus écrasant des rôles-titres haendéliens, remis au goût du jour en son temps par la Sutherland.
Le moins qu'on puisse dire c'est que, même annoncée grippée le soir où nous y étions, Olga Peretyatko a toutes les qualités pour le rôle. Projection impressionnante, chant ensorcelant développant des trésors de nuances, elle déborde d'invention mélodique sur les da capo, sans jamais dénaturer l'oeuvre, avec un art belcantiste consommé. Plus limitée, la Morgana de Sophie Graf lui offre néanmoins le contrepoint idéal avec son timbre de jeune fille et son tempérament taquin, tournoyant joyeusement sur son « Tornami a vaggheggiar », véritable anti-dépresseur appelant aux réjouissances immédiates.
À part l'Oronte forcé de Juan Francisco Gatell, confondant la subtilité du bel canto baroque avec l'étalage de décibels, la distribution est formidablement homogène. En Ruggiero, Florin Cezar Ouatu fait montre d'une belle intériorité en plus d'un timbre rappelant James Bowman et Giovanni Furlanetto campe un Melisso très nuancé (très beau Pensa a chi geme au deuxième acte).
À la tête d'un Orchestre de chambre de Lausanne qui pourrait rivaliser avec nombre de phalanges baroques, Ottavio Dantone livre un Haendel tout en subtilité, suave à souhait, loin des caricatures hédonistes, avec un continuo fabuleux de trouvailles harmoniques quand il s'agit d'accompagner les chanteurs dans des airs aussi riches en ruptures que le Ombre pallide du deuxième acte.
Pour sa première mise en scène, Marco Santi opte pour la chorégraphie permanente. L'idée a le mérite de la cohérence : composer une sorte de bal lascif où des couples de figurants passent leur temps à s'enlacer autour des colonnes du royaume d'Alcina, au centre de la scène, alors que les coulisses du spectacle restent apparentes. L'ensemble ne manque pas de sensualité, mais aurait sans doute gagné à bénéficier d'un décor un peu plus inspiré qu'un simple échafaudage et des écrans vidéos aussi laids qu'inutiles, et d'une chorégraphie un peu plus structurée, plutôt que d’obliger tout le monde à danser en permanence. Péché de chorégraphe, qui fait qu'une fois de plus c'est la musique qui était la plus ensorcelante.
Luc Hernandez
Haendel : Alcina – Opéra de Lausanne, salle Métropole, 22 février 2012
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Photo : Marc Vanappelghem
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