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Alcina de Haendel à l’Opéra des Nations de Genève – Vision contrastée – Compte-rendu

Les travaux de rénovation entrepris jusqu’en 2019 au Grand Théâtre de Genève transportent les représentations sur la rive droite du Rhône dans le théâtre éphémère baptisé Opéra des Nations, structure auparavant utilisée par la Comédie-Française dans les jardins du Palais-Royal. L’acoustique de ce nouvel espace offre un bon équilibre entre voix et orchestre au sein d’un écrin vaste et aéré où le public profite de la proximité avec les musiciens.  
 
Alcina de Haendel (1735) inaugure le lieu, sous la direction de Leonardo García Alarcón. Du clavecin, le chef argentin, par sa gestuelle cursive, donne vie et couleur à l’œuvre, mais n’a pas hésité à trancher dans le vif, à opérer des coupures et des modifications (suppression de reprises dans certains airs da capo, interversion de certaines scènes, disparition du ballet, du chœur ou du personnage d’Oberto). Un tel traitement a le mérite de donner élan et tonicité, tandis que la présence conjointe dans la fosse de l’Orchestre de la Suisse Romande et de certains membres de la Cappella Mediterranea au continuo crée une émulation entre instrumentistes modernes et baroques.
 
La mise en scène de David Bösch s’écarte de la convention mythologique et actualise le propos avec une multiplication des effets et des accessoires dans un bric-à-brac au désordre très étudié. La féerie, le merveilleux, l’enchantement sont abandonnés au profit d’une vision réaliste où la sexualité (les relations sadomasochistes entre Alcina et Ruggiero) prédomine jusqu’à l’effondrement spectaculaire du palais de la magicienne.
 

Siobhan Stagg (Morgana) © GTG / Magali Dougados
 
Voix puissante, sensuelle, fauve et ambrée, Nicole Cabell imprime au personnage d’Alcina un ton tout à fait convaincant qui culmine dans les grands airs frémissants et éplorés où elle alterne puissance maléfique et fragilité, se montrant tour à tour tigresse implacable ou femme vaincue (« mi restano le lagrime »). En Bradamante, Kristina Hammarström oppose avec autorité sa bravoure d’amoureuse éconduite qui parvient à surmonter les épreuves. Monica Bacelli incarne de manière décalée un Ruggiero d’une élégance raffinée, et la Morgana mordante de Siobhan Stagg ou le Melisso irréprochable du baryton Michael Adams complètent agréablement une distribution homogène.  
           

Michel Le Naour

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Haendel : Alcina - Genève, Opéra des Nations, 17 février, prochaines représentations les 25, 27 et 29 février 2016 / www.geneveopera.ch
 
Photo © GTG / Magali Dougados

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