Programme, lieu : avec un concert Pierre Wissmer - César Franck au Musée de la chasse, Amaury Coeytaux et Frédéric Lagarde seraient en bonne position pour concourir si un prix de la proposition chambriste la plus originale de l’année à Paris était décerné. La curiosité est l’une des plus belles qualités en art ; celle du violoniste et du pianiste les a conduit à s’intéresser au compositeur suisso-français Pierre Wissmer (1915-1992). Né à Genève (il sera naturalisé français en 1958) le musicien, encouragé à ses débuts par Robert Casadesus, travaille ensuite le piano avec Jacqueline Blancart et Jules Gentil, avant d’apprendre son métier de compositeur auprès de Roger-Ducasse et de Daniel-Lesur, avec lequel il maintiendra toujours de solides liens d’amitié.

Epris de clarté et d’équilibre, Pierre Wissmer lègue une production qui mérite amplement la redécouverte (1). Amaury Coeytaux et Frédéric Lagarde ont d’ailleurs déjà mis en boîte (pour le label Naxos) un enregistrement du Concerto n°1 pour violon et du Concerto n°1 pour piano, avec l’Orchestre National d’Ukraine dirigé par Fabrice Gregorutti. En attendant de découvrir cette galette en janvier prochain, on pouvait déjà goûter à la Sonatine pour violon et piano et à la Sonate pour piano. De 1946, la première offre un bel équilibre entre les instruments – rendu plus évident encore par la complicité qui unit ici deux chambristes fervents. Harmonies légèrement acidulées (l’auteur est bien le contemporain de Poulenc, Milhaud, Sauguet…), fluidité du propos : Wissmer parle avec esprit, simplicité, élégance et concision. On est séduit par la luminosité des mouvements vifs, par la prégnante poésie d’un Andante qui se referme con sordino.

Même classicisme de la pensée dans l’unique Sonate pour piano (1949) de Wissmer dont Frédéric Lagarde souligne le caractère, là encore, très construit et ramassé. Volubilité et confidence se mêlent dans un Allegro initial aux lignes félines, plein d’ambiguïtés harmoniques. Parcouru d’intranquillité, le caressant épisode central dévoile un lyrisme pudique et retenu. Final énergique, entre urgence et sarcasme. Frédéric Lagarde a en projet une intégrale du piano de Wissmer ; on ne peut que l’encourager à le concrétiser ! Les musiciens reviennent à un ouvrage connu en fin de concert avec l’illustre Sonate pour violon et piano de Franck. Exit le côté fin de siècle un peu poussiéreux dont cette partition souffre parfois ! L’allant des tempi, l’âpreté que l’archet de Coeytaux ose quand il le faut (2ème mouvement), le rebond que le piano de Frédéric apporte en permanence à son partenaire nous valent une interprétation d’une vitalité pour le moins irrésistible.

Alain Cochard

Paris, Auditorium du Musée de la chasse, 20 novembre 2013

(1) Pour en savoir plus sur Pierre Wissmer, on consultera avec profit l’excellent site de l’Action musicale Pierre Wismer : www.pierrewissmer.com

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Photo : DR