Le baryton-basse Christian Immler (photo) et la pianiste Anne Le Bozec ont été les tout premiers lauréats du Concours chant-piano Nadia et Lili Boulanger, en 2001. C’est aux fins de marquer les 20 ans de ce concours mais aussi le quarantième anniversaire de la disparition de Nadia Boulanger, que le Centre international Nadia et Lili Boulanger (1) parraine le récital de nos deux artistes, en partenariat avec la saison musicale des Invalides. Le somptueux Grand Salon de cet hôtel se fait le réceptacle de ce récital de lieder tout aussi somptueux, avec ses pages inaccoutumées et une interprétation d’exception.
 

Anne Le Bozec © DR

Se succèdent ainsi Sailor’s Song de Haydn, hommage enjoué (sur un texte en anglais) au marin britannique, Odins Meerestritt et Harald de Carl Loewe, tempétueuse évocation du dieu Odin et féérique épopée du chevalier Harald, Gebet während der Schlacht de Schubert, prière du soldat avant sa mort, Les Deux Grenadiers, versions Schumann et Wagner, Reiterlied de Reger, joyeux chant de chevalier, Todeslied der Bojaren et Neue Liebe de Mendelssohn, chant funèbre des Boyards et chevauchée d’elfes, Trompeten de Paul Hindemith, paradoxal chant pacifiste, Belsazar de Schumann, chasse fantastique du roi de Babylone Balthasar, Husarendlied de Richard Strauss, héroïque chanson de hussard, Der Tambour de Hugo Wolf, parodie de marche militaire, et enfin quatre lieder du cycle La Belle Maguelonne de Brahms. Autant  de poèmes évoquant la guerre et ses gloires ou déboires, sur des textes en allemand (sauf le premier lied, mais y compris Les Deux Grenadiers de Wagner, pourtant originellement sur un texte en français), souvent dus à la plume de Heinrich Heine, le grand poète du lied, et régulièrement inspirés de thèmes français. Ainsi voguait le lied allemand dans sa grande époque, du XIX^e siècle à l’orée du siècle suivant.
 
La voix de Christian Immler se coule admirablement dans ces différentes textures expressives, avec une interprétation d’intensité dramatique, d’une projection vaillante quand il faut, subtile souvent, en particulier dans ses changements de registres avec quelques incursions en voix de tête. Une prestation quasi théâtrale. Anne Le Bozec figure une accompagnatrice de choix, qui sait fondre un piano lui aussi changeant, scintillant, aérien ou virtuose, mais toujours inspiré : accord parfait ! Un duo de grand choix, pour un programme exigeant servi comme un moment rare.
 
Pierre-René Serna

Paris, Grand Salon de l’Hôtel des Invalides, 18 novembre 2019 // saisonmusicale.musee-armee.fr/
 
 
(1) À noter que le prochain Concours pour sa dixième édition se déroulera du 5 au 8 décembre dans l’historique salle du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique // www.cnlb.fr/bfr/concours/acc_concours.html

Photo © Marco Borggreve