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Circé de Desmarest à l’Opéra de Versailles – Tragédie sans tragédienne – Compte rendu
D’autant que, comble de malchance, l’orchestre semble pris au dépourvu à plus d’un moment : départs brouillons ou carrément manqués (il faut même reprendre un passage au dernier acte), mise en place parfois approximative… La dizaine de jours de répétitions n’a semble-t-il pas suffi, et l’on espère que l’enregistrement déjà mis en boîte sera exempt de toutes ces scories. Pour les Nouveaux Caractères, c’est un jour sans, malgré la conviction de Sébastien d’Hérin (photo). De ce fait, l’oreille est d’autant plus sensible à certaines faiblesses de l’œuvre : le livret de madame Gillot de Saintonge n’est ni très habile dans sa construction, ni surtout très inspiré dans sa versification, c’est le moins qu’on puisse dire. La musique de Desmarest, elle, reste dans le moule lulliste, avec peut-être une tendance à plus de mélodie dans ce qui, chez le modèle, relèverait davantage du récitatif pur ; la partition inclut pourtant de beaux moments, comme ce duo Ulysse-Eolie qui transcendent la relative platitude des paroles (« Vous m’aimez, je vous aime… »).
Si Véronique Gens est très souffrante, les cinq autres solistes sont, par chance, en pleine forme. C’est une surprise que d’entendre Nicolas Courjal dans ce répertoire : curieusement, il y met moins de théâtre que dans les œuvres du XIXe siècle dont il est plus familier, mais on apprécie son aisance dans le grave, surtout lorsqu’Elphénor revient à l’état de spectre. Romain Bockler est un Polite ardent, et Cécile Achille donne beaucoup de relief au personnage d’Eolie, tant dans la plainte que dans l’expression du bonheur d’être aimée d’Ulysse. Caroline Mutel est une Astérie pleine de dignité, qui sait trouver les accents qui conviennent à un personnage presque aussi important que celui de Circé. Ulysse fébrile, Mathias Vidal est chez lui dans cette musique, mais l’on se demande s’il ne met pas une pointe d’ironie dans la conclusion de certaines scènes, par un point d’orgue sur une phrase comme « Eloignons-nous ». Du chœur des Nouveaux Caractères sont issus plusieurs chanteurs venus interpréter de petits rôles : le programme n’identifie pas les sopranos en question, mais signale la participation de Mathieu Montagne, notamment dans une scène des rêves qui reprend, en beaucoup moins développé, la disposition du fameux sommeil d’Atys, ou de l’excellent Arnaud Richard, qui mériterait amplement un rôle de premier plan.
Laurent Bury
Photo © Pascal Le Mée
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